C’était peut-être un peu loin de chez nous, il a peut-être fallu poser quelques jours de congés pour y aller mais la programmation nous a tellement charmé qu’on a fait les sacrifices nécessaires pour assister à l’édition 2014 du Field Day à Londres. Nous nous sommes donc rendus, bravant non pas la pluie mais paradoxalement un soleil de plomb, au Victoria Park durant deux jours, au cœur d’un festival qui est devenu au fil des années une référence en terme de programmation mais aussi d’ambiance. Une fois les pass retirés, la fouille des sacs effectuée et les dernières gorgées de bière à moins de 5£ avalées, nous entrons sur le site du Field Day, notre attente des derniers mois enfin satisfaite.
Le site est déjà à lui seul un événement. Huit scènes, des attractions de fête foraine, diverses aires de jeux et de nombreux stands de ravitaillement des quatre coins du monde : en bref, de quoi satisfaire un enfant de 4 ans mais également une foule ravie de replonger en enfance le temps d’un week-end. Une fois le tour du site effectué, on se dirige vers la première scène. Il est 13h, on est parti pour 10h de musique. Pas d’interruption, pas de silence, nos oreilles sont prêtes à être comblées.
Day 1, 11h30 – 23 h : Metronomy, Warpaint, Sky Ferreira, Blood Orange, Omar Souleyman…
Il fait encore gris lorsque l’on se réfugie sous le chapiteau de la scène Crack Magazine, un peu effrayés de (déjà) devoir subir la pluie. C’est donc totalement par hasard que l’on découvre en live Lo Fang, trio californien dont le 1er album est sorti il n’y a que quelques mois. La voix de Matthew Hemerlein nous captive, et c’est devant la scène que nous nous retrouvons rapidement afin de savourer les rythmes épurés et les violons entêtants du groupe. Le chapiteau se remplit peu à peu et la magie opère : nous en sortons à la moitié du concert (afin de ne pas rater Arthur Beatrice) comblés par cette première découverte réjouissante.
On se presse devant la main stage, la Eat Your Own Ears sur laquelle on aura plus tard le plaisir de contempler toutes les têtes d’affiche. Arthur Beatrice fait son entrée sous la grisaille, mais dès que la voix d’Ella Girardot résonne, le soleil la suit et s’installera alors pour tout le festival. On avait eu le plaisir de les découvrir il y a deux ans en première partie de Beach House, le groupe prend désormais son envol en investissant la plus grande scène du festival. Les londoniens enchaînent les morceaux de leur album « Working Out » et lorsque la foule entonne « Midland », la chanteuse semble très touchée et ne cessera pas de sourire jusqu’à la fin du set. Les ballades se suivent et c’est assis ou debout que le public savoure la poésie livrée par le groupe au fil des morceaux. Le concert s’achève et c’est presque en courant que l’on va se ravitailler afin de ne pas louper une miette de la suite du festival.
Sur le programme, on peut lire : « 14h30 : Only Real – 14h35 : Sky Ferreira ». Tiraillés entre la surf-pop des jeunes premiers ou la pop-grunge vintage de la non moins jeune californienne, on choisit d’assister aux premiers instants du concert d’Only Real pour rapidement migrer vers la main stage où se produit Sky Ferreira. On arrive pile à temps pour « Backstreet Kissers » et l’on constate que Niall Galvin a bien apporté son insolence, sa désinvolture mais surtout son talent, inchangé depuis son passage à Nantes en février 2013. Le chapiteau est plein à craquer, simplement parce qu’Only Real sait happer son public grâce à son mélange de chant et de rap, complété par des guitares dont les mélodies cinglantes et estivales nous font presque oublier qu’on a payé un vulgaire hot-dog 7£. Malgré la qualité du set, on se presse vers la scène principale car on veut aussi voir Sky Ferreira en live. En effet, on aimerait enfin se faire une idée sur son talent en live plutôt que sur ses frasques personnelles.
On arrive donc devant la scène, où une petite silhouette se cache sous une immense parka (sous 30°, toujours) et une tout aussi grande prestance. Derrière sa timidité indéniable (des « Thank you » murmurés les yeux baissés entre chaque morceau) se cache une artiste touchante, clamant ses refrains avec une intensité aussi bien dans la voix que dans les mouvements saccadés qu’elle ne semble même pas contrôler. Les tubes s’enchaînent, lorsque vient le fameux « I Blame Myself » qui nous touche particulièrement car on a peu l’habitude de voir une artiste vivre autant ce qu’elle scande. Le concert touche à sa fin, et nous prenons le chemin de la scène Resident Advisor, agréablement surpris par un live que l’on n’aurait jamais soupçonné si puissant.
A 15h30, changement d’ambiance : Omar Souleyman entre en scène. Un chapiteau affichant complet suit les rythmes orientaux du chanteur syrien, tandis que certains tentent même de retrouver les vestiges de leurs talents de danseurs du ventre, soldé bien souvent par un échec cuisant, mais divertissant pour la foule. Le soleil aidant, l’ambiance reste au beau fixe jusqu’à la fin du set, lorsque nous partons pour la scène principale, assister au concert de Blood Orange.
Après le projet Test Icicles, puis Lightspeed Champion, le caméléon Dev Hynes se met cette fois dans la peau de Blood Orange pour présenter Cupid Deluxe, son nouvel album studio. C’est allongés dans l’herbe que l’on savoure la soul 80’s ensoleillée du groupe, tandis que le public ne cesse de parfaire son déhanché. Lorsque que le concert s’achève, la foule se divise. Pour certains, ça sera l’heure de l’apéro mais pour nous c’est l’heure de se frayer un chemin jusqu’aux barrières centrales afin de ne pas louper une miette du concert qui va suivre.
Les quatre Warpaint arrivent sur scène, les applaudissements retentissent déjà et le set commence. « Intro », « Keep It Healthy », « Feeling Right », « Biggy », « Disco/Very » leur nouvel album est mis en avant, puis retentissent les premiers accords d’une chanson que l’on connaît. C’est « Ashes To Ashes » de David Bowie. Une très belle surprise parfaitement maîtrisée par les Américaines, malgré deux faux départs au début du morceau, provoquant un fou rire de la bassiste Jenny Lee. Warpaint quitte la scène et nous sommes encore sous le charme des californiennes, dont le magnétisme a opéré sur une foule deux fois plus conséquente qu’au début de la journée.
On se balade ensuite, hésitant entre l’électro mélodique de Jon Hopkins et la pop électro saturée de Jagwar Ma, le cul entre deux scènes mais les oreilles toujours ravies.Il est déjà l’heure de s’installer devant la grande scène pour assister au concert de Metronomy, la tête d’affiche de ce samedi.
Souvenez-vous, on avait vraiment apprécié leur dernier album et on vous l’avait fait savoir. Le quatuor, devenu quintet à l’occasion de sa tournée avec l’arrivée du claviériste/guitariste Michaell Lovett, prend place sur une scène entièrement décorée aux couleurs de la pochette de Love Letters. Costumes et instruments blancs, lumières étoilées, la mise en scène est de rigueur, et n’est pas pour nous déplaire. Le groupe enchaîne les tubes, de « Love Letters » à « The Bay », en passant par «Corinne » ou encore « Reservoir », tandis que la foule entonne chaque morceau en chœur avec Joseph Mount, dont la voix est au beau fixe. Anna Prior, la batteuse, ne cesse d’afficher un large sourire qui devient rapidement contagieux, tandis qu’Olugbenga Adelekan, le bassiste, interpelle la foule avec un entrain hors du commun. La nuit tombe mais l’énergie du groupe compense largement celle du jour qui se termine.
Le concert s’achève, le premier jour du Field Day aussi et c’est sur ce live de Metronomy que nous quittons le Victoria Park, en entonnant encore des bribes de « The Upsetter », avec une grande hâte de repasser les barrières du festival le lendemain.
Day 2, 13h – 22h30 : Pixies, The Horrors, Temples, Pond, The Wytches…
Oreilles reposées, bouteilles remplies et pieds bardés de pansements, nous sommes fins prêts pour le deuxième jour du Field Day. Le soleil cogne toujours autant qu’hier et la bière est toujours aussi chère, mais la superficie du site a été divisée par deux, et nous n’auront plus qu’à courir entre 4 scènes différentes. Plus que.
Assis dans l’herbe, on attaque cette première journée avec The Wytches, jeune groupe anglais et protégés des Horrors (si peu). Au fil des morceaux, on est très impressionnés par ce jeune groupe dont les guitares hurlantes sont en accord parfait avec la voix tremblante et éraillée de Kristian Bell, dont les reprises sont calées au millimètre près et dont les variations de mélodies alternent entre ballades mélancoliques et post-punk hurlé et largement maîtrisé. L’ambiance de la journée est installée, le groupe quitte la scène sous les applaudissements de la foule grandissante, qui semble aussi surprise que nous par la technique quasi irréprochable du jeune groupe.
Rapidement, les concerts se suivent et c’est au tour de Pond de monter sur scène. Le line-up du groupe variant au fil des concerts, on attend avec hâte de voir celui choisi à l’occasion du Field Day. Nick Allbrook, ancien bassiste de Tame Impala, endosse ici le rôle de chanteur guitariste, le visage aux traits juvénile couvert de paillettes argentées. On retrouve également l’actuel claviériste de Tame Impala, Jay Watson, cette fois-ci derrière la batterie. Psychédélisme de rigueur, les riffs se succèdent et la prestance affirmée de Nick Allbrook, autrefois effacé dans ses autres projets, complète ce concert déjà convaincant. « Giant Tortoise » retentit, le chanteur s’écroule sur scène pour mieux jouer et la foule secoue tête et corps au rythme d’une batterie déchaînée. Le concert prend fin sur un long riff saturé pour le plus grand plaisir du public qui en redemande, mais horaires obligent, le changement de plateau est déjà en cours.
Juste le temps d’acheter un sandwich, que notre carte bancaire regrette encore, il est déjà l’heure d’assister au live de Temples, que l’on ne présente plus. Les quatre anglais continuent sur la lancée du psyché et enchaînent les morceaux de Sun Structures, mais c’est sur « Shelter Song », « Mesmerise » et « Keep In The Dark » que la foule s’agite lorsque le chanteur, constamment de marbre, plaque des riffs sur sa guitare en lançant des regards charmeurs au premier rang. En savourant les chœurs harmonieux, les mélodies planantes et les toms de batterie variés, on comprend l’engouement soudain d’un public international pour le groupe. Une heure de set et beaucoup de mouvements de têtes plus tard, le groupe salue le public et quitte la scène. C’est donc le moment pour nous d’applaudir tout en fonçant vers les barrières. On était restés sur notre faim avec « Luminous », le dernier album de The Horrors, mais ce n’est pas une raison pour nier la qualité des précédents albums du groupe, c’est pourquoi nous ne voulons pas rater une seconde du live.
Le groupe entre en scène, à l’exception Faris Badwan, qui les rejoint sur scène lors des premières notes de « Chasing Shadows », extrait de « Luminous ». Le charisme de chaque membre opère, certes, mais on s’inquiète un peu de n’assister qu’à des morceaux du dernier album. Heureusement, le groupe enchaîne rapidement sur « Sea Within A Sea », « Endless Blue » puis « Still Life », sur laquelle on retrouve la voix si puissante de Faris qui, avouons-le, nous avait manqué. Le public est conquis, la moitié des chansons jouées sont les morceaux cultes du groupe et la qualité du live est irréprochable aussi bien musicalement que scéniquement. « Moving Further Away », Faris retire ses lunettes de soleil, Joshua Hayward (le guitariste) brandit sa guitare d’une main et le groupe sort de scène, sous une réelle ovation du public. Ravis, on en oublie presque la déception ressentie pour « Luminous » un mois auparavant en constatant que le groupe a bel et bien conservé sa place chez les grands noms du garage.
Le Field Day s’achèvera donc avec les Pixies. La foule investit le Victoria Park, et l’impatience se fait ressentir à chaque sifflement. Black Francis apparaît et c’est un public extatique qui se lève pour acclamer le groupe, qui d’ailleurs accueille désormais une nouvelle bassiste, Paz Lenchantin, remplaçant Kim Deal. Le groupe attaque avec « Wave Of Mutilation », et enchaîne les morceaux cultes presque sans pause (27 morceaux en moins d’une heure et demie !), tandis que le public, comblé, chante en s’époumonant les paroles de « Hey », « Debaser », « Gouge Away » ou encore « No 13. Baby ». Les Pixies n’ont rien perdu de leur puissance et entament « Crackity Jones », sous les yeux d’un public presque en transe. Les corps s’agitent, les bouches acclament et les mains volent, « Here Comes Your Man » commence alors et le public répond à l’unisson au chanteur. Le batteur, David Lovering, cache derrière une image de grand-père timide un jeu incroyable à en faire pâlir plus d’une génération lui succédant. On entend finalement un mi. Et l’on comprend vite que, la nuit est tombée, le festival touche donc a sa fin et qu’il sera clôt par « Where is My Mind ». Les portables sont en mode vidéo, les yeux sont emplis d’étoiles et les chœurs retentissent si fort que même le chanteur semble surpris.
C’est donc sur ce morceau culte que s’achève le Field Day 2014, et c’est les oreilles comblées que nous franchissons la porte de sortie du Victoria Park. Le retour en France nous rend, malgré les souvenirs, relativement nostalgiques. Et vous savez quoi ? Les pass early-bird sont déjà en vente pour l’an prochain… Le temps d’expliquer à la banque nos folies d’un week-end et on se jette dessus.