Le thème de départ de We Need to Talk about Kevin est fort et dérangeant, et hélas toujours d’actualité : Eva, mère quadragénaire, voit son fils adolescent commettre un massacre dans son lycée et s’interroge sur sa part de responsabilité dans ce drame.
Ai-je apprécié ce film ? C’est difficile à dire. Il a certes des qualités indéniables. Tout d’abord, le jeu impeccable de Tilda Swinton, dans un rôle délicat de mère subtilement indigne qui met sa carrière entre parenthèses pour avoir un enfant. Sous ses traits, Eva transpire de froideur. Pourtant, on souffre avec elle de son impossibilité à comprendre Kevin dès sa petite enfance et de sa frustration à ne pas pouvoir communiquer avec lui malgré ses efforts. Il faut également souligner le travail ciselé sur l’image et les couleurs : grisaille à l’esthétique glacée et glaçante, pour mieux faire surgir les éclaboussures de rouge qui traversent le film tels des éclairs fulgurants. Enfin, la structure en flashbacks, un peu déroutante au départ, permet d’appréhender l’évolution de Kevin et de reconstituer séquence après séquence le chemin qui le mènera à l’irréparable.
Pourtant, le film peine à trouver son positionnement. La réalisatrice Lynne Ramsay semble en effet ne pas arriver à choisir entre analyse clinique et film d’épouvante, ce qui se traduit par une interprétation parfois outrée d’Ezra Miller, qui interprète Kevin à 16 ans. Autant le jeu des deux jeunes acteurs qui interprètent Kevin enfant est subtil et plutôt impressionnant, autant les sourires carnassiers du Kevin adolescent sonnent faux par excès d’intention et desservent la réflexion que l’on pourrait avoir sur ses motivations, auxquelles Ramsay n’apporte pas de réponse – ce qui en soi n’est pas forcément un mal -. Responsabilité maternelle ? Enfant maléfique ? A vous de vous faire votre propre idée sur les origines du Mal. Dans un rôle assez proche, j’avais finalement été plus touchée par l’interprétation beaucoup plus nuancée d’Evan Peters (dans le rôle de l’adolescent meurtrier Tate Donovan) dans la première saison d’American Horror Story…
Cette hésitation dans la direction à donner au film, que la réalisatrice ne tranche jamais vraiment, finit par ôter de la force au propos, faisant de We Need to Talk about Kevin un objet intéressant, mais finalement loin de l’oeuvre profondément troublante et effrayante qu’elle aurait pu être.