Les nouveaux neurones élaborés dans le cerveau adulte sont hyperactifs... ou éliminés.
Jusque dans les années 1990, les biologistes pensaient que, chez les adultes, aucun neurone n'était fabriqué. C'était un dogme en neurosciences : un neurone perdu ne se retrouve jamais. Cependant, les expériences de Joseph Altman, de l'Institut de technologie du Massachusetts, infirmèrent ce principe, en mettant en évidence une neurogenèse (une production de nouveaux neurones) dans certaines régions du cerveau adulte, tels l'hippocampe et le bulbe olfactif. Dès lors, on imagina des greffes de neurones (d'origine embryonnaire) chez des individus atteints de maladies neurodégénératives, mais les succès n'ont pas été au rendez-vous. Pierre-Marie Lledo, chef d'unité à l'Institut Pasteur et directeur de recherches au CNRS (URA 2182), et ses collègues viennent d'apporter un élément d'explication à cet échec : ils ont montré que les jeunes neurones nouvellement formés sont hyperactifs, mais qu'ils perdent rapidement cette propriété.
Les neurobiologistes ont étudié des jeunes neurones nouvellement formés dans le bulbe olfactif de souris adultes et se sont intéressés à la plasticité des synapses glutamatergiques, les connexions entre les neurones qui libèrent du glutamate, un neurotransmetteur. Ils ont mis en évidence un phénomène de potentialisation à long terme, c'est-à-dire que les synapses de ces neurones sont activées ou "renforcées". Ces cellules participent à l'apprentissage. En d'autres termes, les jeunes neurones sont hyperactifs, sans doute sous l'effet de stimulations olfactives, et ce, pendant 12 semaines, avant de retrouver une activité moindre, semblable à celle de leurs voisins, des neurones matures. Au final, la moitié de la population de nouveaux neurones - vraisemblablement les plus actifs - s'installe dans les circuits neuronaux préexistants du bulbe olfactif. L'élimination des autres favorise un renouvellement constant des neurones.
Si cette sélection a également lieu dans d'autres régions du cerveau, on comprend mieux pourquoi les personnes atteintes de la maladie de Parkinson ne retrouvent que temporairement des facultés motrices normales après une greffe de neurones d'origine embryonnaire : ces cellules ne restent actives que peu de temps, trois mois tout au plus. Si ces résultats peuvent être extrapolés à d'autres régions cérébrales dans le cadre de thérapies régénératrices du cerveau, ils montrent qu'il convient d'envisager un apport continu de nouveaux neurones plutôt que d'administrer, en une seule fois, les nouvelles cellules nerveuses répératrices.