[Critique] THE NORMAL HEART

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : The Normal Heart

Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Ryan Murphy
Distribution : Mark Ruffalo, Julia Roberts, Matt Boomer, Jim Parsons, Taylor Kitsch, Jonathan Groff, Denis O’Hare, Alfred Molina…
Genre : Drame/Adaptation
Date de sortie : inconnue/Diffusion sur OCS depuis le 3 juin 2014

Le Pitch :
Au début des années 80, aux États-Unis, Ned Weeks, un écrivain, assiste impuissant à la montée du virus du sida. Face à l’indifférence des autorités, et alors que le nombre des victimes augmente, Ned Weeks s’improvise activiste et, entouré d’un groupe d’amis, tente de réveiller les consciences…

La Critique :
The Normal Heart n’est pas tendre avec l’administration américaine. Il dénonce et n’y va pas par quatre chemins pour faire passer son message. En revenant sur l’éclosion, au début des années 80, du virus du sida, le long-métrage souligne à la fois l’incompétence des pouvoirs publics et leur capacité à fermer les yeux devant un fléau qui dans un premier temps, ne toucha que la communauté homosexuelle. Depuis bien sûr, les choses ont changé. Au niveau de sa reconnaissance publique tout du moins, car sinon, le sida est toujours là, il touche tout le monde sans distinction de sexe ou de préférence sexuelle, et nécessite des levées de fond certes plus efficaces que celles organisées à l’aube des années 80, mais au fond, toujours aussi laborieuses.
Avec The Normal Heart, Ryan Murphy ne se contente pas d’adapter une fameuse pièce de théâtre (de Larry Kramer). Il ne se cantonne pas au simple récit d’un épisode de notre histoire récente, figé dans le passé. Avec The Normal Heart, le réalisateur met en exergue les déviances d’une société qui attend le point de non-retour pour réagir, tout en se voilant la face au détriment des victimes.
Dans la lignée de Philadelphia, de Jonathan Demme, The Normal Heart s’avère néanmoins plus modeste dans son approche. Peut-être bien plus didactique aussi, tant son récit s’attache avant tout à décrire la bataille d’une poignée d’hommes contre un système sourd et muet à leurs suppliques.

Cela dit, The Normal Heart n’oublie pas l’émotion. Elle est au centre de la dynamique du film. Elle nourrit la colère qui anime les personnages, alors qu’ils tentent d’ouvrir les yeux des autorités.
Œuvre chorale, The Normal Heart tourne certes autour du protagoniste campé par Mark Ruffalo, mais pas seulement, tant tous les personnages ont aussi droit à leur « moment ». À des scènes qui leur laissent les coudées franches pour prendre de l’épaisseur et ainsi apporter leur pierre à un édifice vibrant d’humanité et d’empathie. Pour autant, cela est surtout valable pour le noyau central. Pour ce petit groupe notamment constitué par Taylor Kitsch, Jim Parsons, Julia Roberts et Mark Ruffalo donc. Pour les autres, malheureusement, ce n’est pas tout à fait la même chose. Ryan Murphy orchestre une hécatombe. Les victimes se font de plus en plus nombreuses au fil des minutes. La mort de personnages entrevus ne déclenche pas l’émotion espérée, tant rien jusque-là n’a permis au spectateur de s’y attacher véritablement. À vrai dire, parfois, devant le grand nombre de noms qui circulent, il est carrément difficile de savoir de qui il s’agit quand on nous annonce qu’un tel ou un tel n’est plus.
Mais au fond, une telle structure scénaristique semble être volontaire. Alors que le sida multiplie les victimes, dans le monde et ainsi parmi les amis de Ned, le personnage principal, c’est au travers de son combat personnel que la véritable émotion se fait la plus prégnante. Touché de plein fouet par l’épidémie, Ned voit Félix, son compagnon, dépérir au fil des jours, nourrissant néanmoins un espoir de plus en plus fragile. Sorte de film dans le film, la romance de Ned se transforme ensuite en combat pour la vie, et vient donc nourrir de son intensité dramatique l’ensemble d’une tragédie qui voit défiler les thématiques fortes.

Connu pour avoir lancé les séries Nip/Tuck, Glee, et plus dernièrement American Horror Story, Ryan Murphy a réalisé The Normal Heart pour HBO (techniquement, le film est donc un téléfilm). Pas spécialement populaire pour sa patte, Murphy l’est par contre pour sa capacité à embrasser un grand nombre de registres. Avec The Normal Heart, il a également eu la bonne idée de ne pas sombrer dans l’excès qui peut parfois caractériser ses précédents faits d’arme (tout spécialement Nip/Tuck et ses dernières saisons complètement borderline). Sobre, sa mise en scène est proche de ses personnages, même si parfois, elle peut aussi apparaître un peu trop froide et impersonnelle.

Le casting est par contre irréprochable. En première ligne, Mark Ruffalo impressionne dans un rôle assez éloigné de sa zone de confort, tout comme Jim Parsons (le Sheldon de The Big Bang Theory) et Taylor Kitsch. Alfred Molina, plutôt rare, est pour sa part très émouvant, tandis que Julia Roberts, très loin des oripeaux inhérents à son statut ultra glamour, brille par une justesse investie.

Œuvre militante (notamment produite par Brad Pitt, via sa boite, Plan B), The Normal Heart ne mâche pas ses mots. En deux heures, Ryan Murphy va droit à l’essentiel, peine certes à donner du souffle à son discours, mais pas à faire passer ses idées, permettant notamment de lever le voile sur une problématique grave, encore aujourd’hui souvent passée sous silence, au cinéma ou ailleurs…

@ Gilles Rolland

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