Il y a quelques semaines je tombe sur la publication d’une chronique, sur le Twitter de Manga-News : Inu Yasha tome 15, paru initialement en octobre… 2004, il y a 10 ans. J’ai alors commencé à réfléchir, en me demandant ce que je lisais à l’époque et un flot de souvenirs est alors remonté. J’avais envie partager ce voyage dans le passé avec vous, je me suis dit que ça pourrait faire un article fun. En route pour le voyage !
Wassup, 2004 ?
En cette année bissextile il s’est passé pas mal de choses en dehors du manga, donc replaçons un rapide contexte et quelques évènements clés. Globalement 2004 n’est pas franchement une année réjouissante : la seconde guerre d’Irak bat son plein, Poutine se faire réélire président tout comme Bush fils. En fin d’année dans l’océan indien, un très violent séisme entraine un raz-de-marée qui va tuer 250 000 personnes sans oublier, enfin, l’attentat du métro à Madrid. Chez nous Villepin remplace Raffarin et on met en place le fameux médecin traitant.
Du coté des loisirs, 2004 marque la fin de Friends, (de C’est mon choix et du Bigdil aussi, la France pleure) tandis que Grégory Lemarchal remporte la saison 4 de la Star Academy. Sortie de Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban dans les salles, Gaston Gaudio gagne Roland Garros et la Grèce est championne d’Europe de football. En février, naissance d’un futur grand du web : Facebook. Du coté des jeux vidéo, on peut noter l’arrivée de Dofus et d’Ankama, de la Nintendo DS, de Halo 2, Far Cry et, pour l’anecdote, les médias généralistes font très fort : un webzine de jeu vidéo blague sur le retard d’un Dead or Alive en annonçant que 147 japonais se seraient suicidés pour protester contre le report, en avalant des poches de silicone. Quelques mois plus tard Libération et le JT de France 2 reprennent l’info très sérieusement, bravo les gars. Voilà pour le tableau global, passons maintenant aux mangas.
Avant de vous parler des lectures marquantes, on va aussi resituer un peu ce qu’était le manga en 2004. Nous sommes alors en plein boom, en passant de 500 titres publiés en 2003 à 750 (moitié moins qu’aujourd’hui). Le marché gonfle à vue d’œil mais tous les acteurs que nous connaissons aujourd’hui ne sont pas encore là : Ki-oon et Asuka, le futur Kazé Manga, viennent tout juste de naître, Kurokawa va leur emboiter le pas un an plus tard, Japan Expo reçoit 41 000 visiteurs et se situe encore à La Défense, Animeland atteignait son 100ème numéro pendant que Coyote dépassait tout juste les 10.
Cette année làààààà ♫
Sur ce premier mois 2004, citons tout de même la sortie du dernier tome de X de CLAMP, le 18e, une série qui a bien vécue puisque l’annonce de mise en arrêt de commercialisation ne date que de quelques semaines chez Tonkam. Enfin j’en finis avec deux coups de cœur que je lis passionnément à l’époque : Racailles Blues, mon œuvre préférée de Masanori Morita (Rookies), qui raconte les années de lycée d’une bande d’amis bagarreurs et maladroits mais avec un cœur énorme. L’autre coup de cœur c’est ma découverte du Go, un jeu de plateau et de stratégie nippone, avec Hikaru no Go, le premier succès en France de Obata bien avant son duo avec Ohba sur Death Note.
A cette époque je lis encore une bonne part de shôjo et notamment le titre qui a lancé Yuu Watase : Fushigi Yugi, dont le 6e tome sort en ce mois de février. Un mélange d’aventure, de légende asiatique, de fantastique et de romance, sans oublier une bonne dose d’humour. Après cette oeuvre je décrocherai assez rapidement des autres séries qu’elle nous proposera, sans que je sache si c’est moi qui change ou la mangaka. Même si je lisais donc quelques histoires romantiques, il y avait l’embarras du choix en shônen. En ce mois de février on pouvait lire, pêle-mêle : le 4e tome de Bleach (on adorait tous cette série à l’époque), le 26e de Slam Dunk (celle là a su s’arrêter et on l’adore toujours), le 17e de Vagabond (légendaire combat sur la plage de Kojiro, le génie sourd) le 13e de Samurai Deeper Kyo (qui se vend très bien mais que je n’ai jamais lu jusqu’au bout, pour cause d’ennui) et enfin le 18e de Shaman King (même combat, en pire).
Ah il y avait aussi le 27e tome de Yu-Gi Ô, le premier shônen en France sur un jeu de cartes, si je me souviens bien. Là aussi j’ai vite décroché, mais il faut dire que j’avais déjà 26 ans. Cela dit lors de l’arrivée de l’offre pléthorique en manga, nous étions tellement morts de faim que nous lisions tout ce qui nous tombait sous la main, y compris des titres qu’on regrettera ensuite. Yu-Gi Ô doit même être la première série que j’ai revendue quelques années plus tard, pour faire de la place sur les étagères. Pour en finir avec février, citons enfin le 7e tome de Mars, le titre de Fuyumi Soryo (Cesare) qui sera complété le mois suivant par E’S chez un autre éditeur, le 11e tome de 20th Century Boys, qui nous remuait le cerveau et le 8e et dernier tome de Chobits, la romance robotique des CLAMP qui transformait encore tout ce qu’elles touchaient en or et pour qui 2004 est une année des plus fastueuses avec 2 fin de séries et deux nouvelles, comme on le verra plus tard. En attendant, avec deux fois moins de publication qu’aujourd’hui, il y avait quand même de quoi se mettre sous la dent !
En 2004 on arrivait vers la fin de 3*3 Eyes, un shônen fantastique que peu d’entre-vous doivent connaître aujourd’hui, j’avoue que je ne sais même pas si elle a eu le succès escompté à l’époque, chez Pika. Je dirais oui puisque l’autre série de l’auteur, Genzo le marionnettiste, a été publiée dans la foulée. Ça reste en tout cas une série très sympathique en 40 tomes, entre sciences occultes, monstres et des personnages classiques mais réussis. L’ancêtre d’un titre comme Kurokami, en quelque sorte, pour prendre une référence plus récente. Chez Pika toujours, une série qui a pour le coup vraiment cartonné c’est Love Hina qui s’achève sur ce mois d’avril et consacre Ken Amatsu comme auteur marquant du catalogue, ce qu’il va confirmer avec Negima!. C’est aussi le début du shônen harem, un pauvre adolescent noyé dans une nuée de filles, des conditions propices au fan service que je découvre un peu à cette époque sans savoir ce que c’est. Dix ans plus tard, j’ai ça en horreur à force d’en voir partout… Pour finir avril quelques souvenirs pèle-mêle à nouveau : le tome 10 de Fruits Basket, l’un des plus gros cartons de chez Delcourt avec Nana de Ai Yazawa, le premier tome de Angel Heart, le grand retour de Ryo Saeba et de Tsukasa Hôjo, et enfin Niji Iro Togarashi, l’un des quelques titres de Mitsuru Adachi publié chez Glénat. Et oui, on publiait déjà du Adachi à l’époque, mais l’auteur n’a toujours pas la reconaissance qu’il mérite 10 ans plus tard (couillon de grand public va !).
En mai pas grand chose que je n’ai déjà cité à part le tome 17 de Hunter X Hunter où Gon et Kirua font une balle au prisonnier, ce qui correspond aux début du fameux nen. Rien de marquant sinon, donc on passe à juin : début de Say Hello to Blackjack, une série engagée et en tout cas révélatrice du milieu médical japonais mais qui reste inachevée (des conflits entre le mangaka et son éditeur non ?). Chez Tonkam arrivée de Tomié de Junji Ito, et l’éditeur continue aussi sa seule tentative de prépublication dédiée au shôjo, avec le mensuel Magnolia qui propose son 6e numéro. Je n’ai jamais essayé ce dernier, certains d’entre-vous l’avaient testé ? Pendant ce temps chez Pika, on propose Shônen Magazine, un mensuel qui durera quand même 30 numéro, contre 13 pour Magnolia. La presse manga est dans une période d’expérimentation mais aussi une période de nombreux plantages : la prépublication ne trouvera finalement pas de modèle économique viable et des magazines mangas comme, Otaku (je l’aimais bien celui là !), Mangajima, Kogaru, Tokebi Generation, Manga Art, Manga Spirit ou le Virus Manga ne feront pas long-feu, en durant 2 ou 3 ans. Virus Manga plongera d’ailleurs les comptes de son grand-frère, Animeland, dans le rouge. En 2004 les choses allaient correctement mais le secteur vis ces derniers « bons » moments. C’est à cette époque que Manga-News, née en 2000, entame sa professionnalisation. D’autres ont survécu depuis, comme Manga Kids ou Japan Vibes, mais on se demande encore comment dans les conditions actuelles.
Pour cet été 2004, citons : l’éditeur depuis disparu J’ai Lu, qui avait publié des succès comme City Hunter, tente de publier Jojo. Mais il semble qu’il soit encore trop tôt et l’éditeur n’ira jamais jusqu’au bout. Les beaux jours signent aussi les débuts de Beck et l’arrivée de Mari Okazaki (la grande époque de Delcourt, je vous dis !), le tome 3 de MPD Psycho, et des séries qui n’étaient pas ma tasse de thé mais qui ont leur lectorat : Battle Royale, Saiyuki, Chonchu… Je me souviens des couvertures jaunes et étranges de Banana Fish, un manga que je croise souvent, encombrant toujours les étagères des boutiques d’occasion de manga. Quelqu’un l’avait lu celui là ?
Pour la rentrée, quelques titres orientés action vous attendent : Coq de Combat, Get Backers ou I’ll et les fameux Berserk et Hellsing dont les premiers tomes arrivent début octobre. En plus de Tonkam l’éditeur IMHO, qui a alors 1 an d’existence, publie lui aussi des mangas d’horreurs. En ce mois d’octobre il propose notamment Panorama de l’enfer. Alors que l’été était un peu fade (et oui à l’époque on pouvait aussi s’ennuyer certains mois, c’est sans doute pour ça que nous étions moins regardant), octobre est donc assez enthousiasmant, et ce n’est pas le nouveau CLAMP de l’époque, Tsubasa Reservoir Chronicles, qui nous fera dire le contraire. Comme je l’expliquais dans cet article, les quatre mangakas sont encore vénérées à l’époque. En octobre toujours, on découvre l’auteur fétiche des nouvelles éditions Ki-oon : Duds Hunt de Tetsuya Tsutsui marque les esprits avec son seul tome, par sa modernité et sa mise en scène prenante.
Sur les premières titres de novembre, je vois à quel point je passais complètement à coté des titres de Casterman, qui sort alors 3-4 titres différents chaque mois, mais dont je n’ai jamais entendu parler : Le jour du loup, Kinderbook ou Le livre jaune ça vous dit quelque chose ? Moi, pas du tout ! Avec stupéfaction je vois la sortie du nouveau tome d’Evangelion : nous en sommes seulement au tome 9. Ça, pour de la publication au ralenti, c’est un record puisque l’on va publier 5 tomes en dix ans. Comme je le disais, l’automne est bien animé : sortie du premier tome de Katsu et Jinbe d’Adachi, XXX Holic, l’autre nouveauté signé CLAMP et surtout Gokinjo Monogatari et Paradis Kiss d’Ai Yazawa, le même mois que le tome 10 de Nana. Comme souvent à l’époque les mois d’octobre et novembre était bien chargés, tout comme janvier et juin. C’est toujours assez vrai, même si les choses se sont pas mal étalées depuis. En échange, on fermait souvent boutique passé la mi-décembre, ou on sortait quelques coffrets propices aux cadeaux de Noël.
Finalement, en replongeant une décennie en arrière, j’ai croisé beaucoup de titres inconnus, beaucoup de coréens aussi en proportion, et pas mal de couvertures souvent hideuses et bâclées. Mais comme le disais Ahmed Agne dans notre dernière interview, nous étions beaucoup moins regardants et aussi moins renseignés, même en lisant la presse papier. Le manga était en plein essor et nous passions alors de 3-4 lectures par mois à 3-4 mangas par semaine et il n’y avait ni mobile, ni réseaux sociaux et les séries US n’occupaient pas encore toutes nos soirées. Les loisirs entamaient à peine leur révolution en faisant la comparaison il n’y a donc pas vraiment de raison de dire que c’était mieux avant, que l’offre massive en manga comme en loisirs à finalement du bon, pour nous en tout cas. Il suffit juste de faire des choix. Nous sommes plutôt gâtés finalement, non ?