Not Vital : abstraction faite de la figure

Publié le 15 juin 2014 par Pantalaskas @chapeau_noir

Head Not vital 2014

Heads

Sous le pseudonyme de Not Vital se cache un artiste d'origine Suisse qui se partage entre les États-Unis, le Niger, l’Italie et la Chine, ainsi que la Suisse. Les sculptures présentées actuellement à la galerie Thaddaeus Ropac à Paris imposent, dans l'espace blanc de la galerie, une présence puissante. Depuis qu’il a ouvert un atelier en Chine en 2008,  nous dit-on, le travail de l'artiste a connu une inflexion avec notamment une suite de portraits peints qui semble annoncer les sculptures exposées à la galerie. " L’artiste trouve simplement ses modèles parmi les personnes qui composent son quotidien : ses assistants, ses amis et collègues dans le village d’artistes de Caochangdi, au nord-est de Pékin."
Mais très vite à l'examen des œuvres, la question du portrait pose une toute autre interrogation que celle de l'identification. Car l'extrême dépouillement des formes réduit la représentation anthropomorphe à une infime référence figurative.
Le spectateur se retrouve égaré dans la réflection des surfaces noires brillantes, perturbant la vision que l'on tente de ramener à une figuration qui s'esquive dès que l'on contourne la pièce. Le photographe, lui, ne peut qu'être piégé dans ce miroir auquel il ne peut échapper, l'obligeant à garder ses distances.

"L'enfant qui pleure" Brancusi 1911

Cette quête de l'essentiel  oblige la réflexion à revisiter le parcours de Brancusi  avec ici l'exemple de "L'enfant qui pleure" (1911). Déjà cette réduction magistrale de la figure à l'essence même de sa représentation  signalait sa source dans les œuvres égyptiennes et grecques.

Figuration sur le fil

En poussant à l'ultime limite sa recherche sur cette réduction formelle, la figure chez Not Vital  ne tient plus qu'à un fil et,dans le même temps, sa présence n'en est que plus marquante pour le spectateur car c'est lui qui recompose la forme humaine à partir d'un volume qui pourtant lui échappe.
Dans ces conditions, existe-t-il une frontière entre figuration et abstraction ?
Les sombres monolithes que propose Not Vital ne sont pas des objets sculptés non identifiés. Il sont bien, à notre regard défendant, l'expression de têtes pour lesquelles  l'artiste revendique la référence à un modèle humain. La bascule entre figuration et abstraction ne serait donc pas dans l'objet qui nous est proposé mais peut-être seulement dans la projection que nous y portons. Selon les uns ou les autres,  un rond noir sur une feuille blanche peut être un œuvre abstraite ou ... un trou dans la banquise.

Voir et regarder

Not Vital joue avec une extrême finesse sur notre aptitude à utiliser la vision. Est-ce que nous voyons ou est-ce que nous regardons son œuvre ? La regarder fait entrer en jeu une considération, celle qui ramène cette captation dans le champ du connu et de la figure. La voir est peut-être plus difficile : appréhender ce que l'artiste a décelé dans cette relation à l'autre, depuis la sculpture de trois mille ans avant J.C.  jusqu'à Brancusi puis aujourd'hui à Not Vital, cette constante insaisissable qui échappe à la définition verbale ou plastique.

Not Vital Heads
22 mai 2014 - 24 juin 2014
Paris Marais
7 RUE Debelleyme
75003 PARIS