Aujourd’hui, pour thèmes de ce billet, j’avais le choix entre la Coupe du Monde de football et la grève SNCF. Devinez ce que j’ai choisi ? Car enfin, pour quelqu’un qui se doit de boycotter résolument une telle mascarade de supposé événement sportif (gorgé de milliards de dollars d’euros de réais) par conviction politique davantage tournée vers les plus démunis de ce pays que vers les nababs qui s’y pavanent, la réponse est évidente. Ces jeux sont une honte internationale, et ceux qui s’y adonnent, des décérébrés, tant il devient évident que notre monde se voit cruellement privé de repères moraux et de politique internationale cohérente, éprise de davantage de justice sociale que de pognon, dont les compétitions sportives de ce niveau sont l’un des masques de la religion.
Le sujet dont je veux parler aujourd’hui n’est finalement pas si éloigné qu’il pourrait y paraitre… Car enfin, les cheminots qui font grève depuis jeudi ne défendent-ils pas une même vision de justice sociale, même si leurs besoins vitaux, comme au Brésil, ne sont pas menacés ? Ils luttent en effet contre la même Bête, le même hydre à plusieurs têtes… Ici, c’est celui du démantèlement du service public et de la mise en pâture au privé, aux forces de l’argent dont il s’agit très concrètement. Ils se battent pour mieux vous faire saisir la différence entre clients usagers, qui n’est pas si minime et innocente qu’on tente de vous le dire, parce que la frontière est de plus en plus floue, alors que l’intérêt est vital, à la SNCF comme dans d’autres services publics, soumis aux mêmes pressions, aux mêmes enjeux, qui se traduisent autrement mais qui sont tout aussi évidents : les forces de l’argent partout grignotent des parts de marché au détriment d’un service collectif qui devrait échapper aux logiques de compétitivité et de rentabilité. Partout, dans les milieux de l’éducation, de la santé, de la culture, et bien d ‘autres encore, le rouleau compresseur de l’argent roi et ses préoccupations plus tournées vers le profit des actionnaires que des intérêts des salariés et des usagers de service publics sont menacés. Et pire, le simple souci de l’Humain d’abord, de sa considération la plus fondamentale, de son respect et de son bien être sont purement et simplement annihilés.
Il n’y a qu’à voir avec quelle hargne, quel mépris, quelle violence verbale on attaque parfois les grévistes, jusqu’à remettre en cause le droit de grève (déjà bien affaibli par Sarkozy et son service minimum) pour savoir qui est l’ennemi… Voudrait-on des grèves qui ne dérangent surtout personne ? Tout ce que la France compte de réactionnaires et de libéraux outranciers (quand bien même se cacheraient-ils parmi les fauxcialistes, il n’est pas bien difficile de les débusquer) se jettent sur leur proie avec une telle énergie et une telle jubilation qu’il n’y a pas de doutes possibles : ces grévistes sont une menace bien réelle pour les intérêts financiers dominants. Et rien que pour cela, j’aurais envie de les soutenir, voire de les chouchouter.
Mais il y a d’autres motifs à mon soutien, moins idéologiques, plus terre à terre. Allez donc voir ce que dit ce journaliste de la Tribune un peu moins con ou un peu moins aveuglé par le vernis libéral coutumier de ces journalistes de salon sans grand effort d’investigation, qui peuplent les plateaux de télévision, rarement ancrés à gauche, et vous comprendrez mieux pourquoi les cheminots sont inquiets, et leur grève justifiée, contrairement à ce que veux laisser croire la version patronale dominante, relayée par le gouvernement, et des gens comme Sapin, dont on connait l’exact degré de gauchitude… Dommage que l’auteur de l’article n’ait pas évoqué également les préoccupations (d’ordre très matérielles également que sont l’entretien des voies et le renouvellement des infrastructures et du réseau ferré secondaire, le moins rentable, comme l’a si tragiquement illustré l’accident de Brétigny sur Orge, parmi tant d’autres… Et de leur outil de travail, les grévistes sont eux aussi sont préoccupés, car ils voient bien à quel point celui-ci se dégrade. Mais on préfère les faire passer pour des nantis, des salauds de fonctionnaires sur-protégés, comme le discours dominant, bien à droite hélas, le suggère si volontiers. On oublie peut-être un peu trop que quand on fait grève, on perd de l’argent, et que dans le service public, on fait de moins en moins grève parce que les temps sont de plus en plus durs et les conditions de travail de plus en plus difficiles. Pourtant, de cela, on ne pipe mot dans les journaux alors que les services publics sont en train ces dix dernières années de subir l’un des plus formidables plans sociaux que la France ait connue, que les décideurs se font cyniquement l’économie des mesures d’accompagnement qui iraient avec dans le privé, en poussant les gens au départ volontaire, en réorganisant sauvagement sans souci des gens qui le subissent, quel que soit leur niveau de hiérarchie, en demandant même aux cadres de se plier à des logiques de destruction d’emplois qui broient tous ceux qui les subissent, comme à France Télécoms/Orange, avec les effets que l’on connait….
J’ai peut-être l’air de m’éloigner du sujet qu’est la grève des cheminots, mais je suis simplement en train de le resituer dans une logique d’ensemble qui participe de la même logique. Sous la pression des intérêts financiers dominants, de diktats européens alimentés par une idéologie d’essence purement libérale (et non pragmatique comme on tente de nous le faire croire), on assiste partout à la même convergence d’intérêts entre public et privé (pour le seul profit de qui ? Toujours les mêmes…) au point que la notion même de service public deviennent floue pour la plupart d’entre nous, ce qui n’est pas anodin.
Aussi, je considère, à contre-courant résolu et conscient de la parole médiatique dominante que l’on vous sert comme une soupe dont on se garde bien d’imaginer les composants, que cette grève est non seulement justifiée mais utile. Et je salue le courage et l’abnégation de ces cheminots, je salue leur combat, tellement digne, qui rejoint le nôtre, et dont je voudrais tant, comme l’illustre l’image de ce billet, qu’il soit l’avant-garde et le départ d’une formidable contestation sociale éminemment nécessaire. car y en a marre de se faire broyer sans réagir. Il devient urgent de montrer aux forces dominantes que ce qui produit de la richesse, c’est nous, et pas l’inverse…. Point barre.