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Chroniques de l’ordinaire bordelais. Épisode 103

Publié le 15 juin 2014 par Antropologia

Et avec ceci, Madame ?

C’est toujours sympathique un marché, surtout le dimanche matin quand il fait beau. Malgré la foule, la convivialité est partout, on a l’impression de faire des affaires et d’acheter des meilleurs produits qu’ailleurs.

Comme tout le monde ce dimanche, j’y ai acheté quelques fruits et légumes que j’ai payés avec un billet de 20€. Le vendeur était souriant, bavard, il offrait du persil. J’étais encombrée, je ne voulais pas faire attendre les personnes derrière moi et comme d’habitude, je n’ai pas contrôlé ma monnaie avant de partir. Mais tandis que nous nous éloignions, mon compagnon a commencé à douter et m’a dit qu’il manquait des sous dans la monnaie rendue. Comme le vendeur était couvert de piercings et de tatouages nous avions au fond de nous un peu honte de le soupçonner, refusant délit de faciès.

Plus tard, tracassée malgré tout, j’ai recompté les quelques euros restant dans mon porte-monnaie. Effectivement, il était bien plat en comparant les 30 € de départ et ce qu’il y avait dans mon panier. Alors nous avons tourné dans le marché. Nous avons discuté, nous demandant si on allait y retourner et si oui, ce qu’il fallait dire. Intérieurement, j’étais très agacée, vexée d’avoir été grugée. Je manquais de courage pour aller parler au vendeur, d’autant que c’était trop tard, comment prouver ma bonne foi ? Nous sommes finalement retournés au stand, regardant de loin, attendant quelques minutes, puis comme si j’allais plonger de 10 mètres je me décide, c’est parti.

Je refais la queue devant le vendeur aux piercings et je lui dit la phrase que j’avais préparée pendant que nous tergiversions sur un retour éventuel : "je sais que c’est trop tard pour prouver quoique ce soit mais quand vous m’avez rendu la monnaie il manquait 5€".

Il répond simplement, ni surpris ni étonné "vous en êtes sûre ?" tout en sortant un billet de sa caisse, sans discuter, il ajoute juste un "je vous fais confiance, je le verrai en faisant ma caisse".

Cette absence de discussion était un aveu, il l’avait fait exprès, il savait. Et bêtement, à un moment, l’idée de lui donner mon numéro de portable afin qu’il puisse me contacter en cas d’erreur, m’a traversé l’esprit. Je n’en ai heureusement rien fait.

Si ça trouve il m’avait volé plus que 5€ et faisait régulièrement ce petit manège à d’autres clients et il s’en tire à bon compte, mais sur le moment nous avions retrouvé un peu de notre fierté et c’était ce qui comptait.

Marie-Pierre Eugène



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