"Bordel de m*rde !" En voilà une drôle de manière de commencer un billet. Et pourtant, qui n’a jamais succombé au plaisir coupable de l’obscène, ou éprouvé cette fierté jubilatoire à la suite d’un juron bien placé ? Crus, grivois, et même scatologiques, les gros mots font un bien fou. Pas seulement aux enfants d’ailleurs, à qui l’on interdit de les prononcer alors que nous en sommes les premiers friands. Une boulimie verbale où chacun possède ses préférés, dont il use et abuse selon l’humeur. Petite, j’étais déjà très "caca pipi" : la simple évocation des WC suffisait à provoquer chez moi un fou rire, m’emportant dans une transe rabelaisienne dont il était ensuite difficile de m’extraire. Imaginez le carnage. Encore aujourd’hui, je cède volontiers à ce petit plaisir régressif, davantage pour lâcher la pression que pour braver l’interdit. "P*tain" par ci, "ch*ottes" par là, un "fait ch*er" qui s’échappe comme un pet ; et me voilà soulagée en moins de temps qu’il n’en faudrait pour réciter une formule magique. La satisfaction transgressive en plus.
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Qu’importe si les âmes sensibles nous traitent de charretiers. Pourquoi s’abstenir d’une catharsis aussi (mal)saine que jouissive, à la condition que sa fréquence ne vire pas au toc de langage. Car s’il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir libérateur d’un "m*rde !" impulsif, rien n’est moins aisé que de manier le juron avec élégance. N’est pas le capitaine Haddock qui veut pour exceller en chimie langagière, le verbe pimenté résulte avant tout d’un savant dosage : dans les plats comme dans les mots, point trop n’en faut. Sabords ! Quand l’excès de vulgarité frôle l’indigestion, aucune mise en bouche ne se savoure mieux qu’un juron fraîchement pressé. Acide, vitaminé, radical: rien de tel pour envoyer valser tout ce qui nous agace. Et vindiou… la liste est longue !