Les constructeurs locaux voient des confrères de départements voisins s’installer pour profiter de l’attrait du littoral. La tension monte.
Le marché départemental de la maison individuelle attire bien des convoitises.© PHOTO ARCHIVES XAVIER LÉOTYOfficiellement, « il y a de la place pour tout le monde et chacun est libre de s'installer où il veut ». Mais dans les faits, les dents commencent à grincer chez les professionnels charentais-maritimes du bâtiment et, plus précisément, de la construction de maisons individuelles.
André Penaud, fondateur de Maap Construction, à Aytré, et président départemental de l'Union des maisons françaises, ne s'en cache pas : l'afflux constant de nouveaux constructeurs sur le littoral plonge le métier dans « une concurrence effrénée, une vraie guerre » des enseignes, aux conséquences potentiellement désastreuses.
« Le consommateur peut se dire que la concurrence fait baisser les prix, mais il risque surtout d'y avoir de la casse » parmi les entreprises « autochtones », celles durablement implantées en Charente-Maritime.
Pour André Penaud, qui se présente comme « le plus ancien constructeur rochelais » en activité, la situation est clairement inédite. « Des crises, on en a connues, bien sûr. On voyait arriver des confrères. Mais la reprise économique finissait par arriver, et tout rentrait dans l'ordre. Alors que là, le marché de la construction neuve reste en baisse et on ne voit toujours aucun signe d'embellie à l'horizon. » Maintenant, « je comprends bien qu'on aille chercher le travail où il est… »
Trecobat s'installe à Lagord
C'est bien la démarche du groupe Trecobat, qui se veut « leader national de la maison à faible consommation d'énergie ». L'enseigne bretonne vient d'implanter une antenne à Lagord, dans l'agglomération rochelaise, après avoir racheté, en 2012, la Société charentaise de construction de Saint-Georges-des-Coteaux, qui rayonne sur Saintes et Royan.
Le groupe a construit 75 maisons, l'an dernier, en Charente-Maritime, pour un chiffre d'affaires de 10 millions d'euros. Après avoir conquis la Bretagne et mis un pied en Midi-Pyrénées, il s'intéresse donc fortement au Poitou-Charentes et, plus exactement, à la Charente-Maritime.
Le département n'échappe pas à la morosité générale du marché de la construction de maisons individuelles. Mais son littoral continue d'être très attractif. Fabrice Treguer, le directeur commercial, a trouvé ses chiffres auprès de… l'Union des maisons françaises, justement.
En 2011, 3 061 maisons ont été construites dans le département (94 % de résidences principales). En 2013, le chiffre n'est plus que de 2 289 (soit -25 % sur deux ans). Mais c'est encore deux fois plus que la moyenne nationale (1 062 maisons par département en 2013).
Autre indicateur important : le taux d'accession, qui correspond à la part annuelle d'acheteurs pour 1 000 ménages. Il se situe à 6,8 % en Charente-Maritime. Alors que la moyenne nationale n'est qu'à 3,7 %. Autrement dit, le rêve de devenir propriétaire de son pavillon avec un bout de jardin se concrétise plus souvent dans le département qu'ailleurs.
Habitat Plus, en moins
De quoi inciter bien des petits constructeurs des départements voisins (Charente, Deux-Sèvres, etc.) en période de disette, ou des groupes plus conséquents en phase d'expansion, à s'installer en Charente-Maritime. C'est le cas de Trecobat. Mais l'enseigne charentaise Tradihome a fait de même, ces dernières années, en arrivant à Royan. De même que le Girondin MCA, qui a ouvert un showroom à Saintes.
En Charente-Maritime, l'Union des maisons françaises compte ainsi 23 constructeurs dans ses fichiers à ce jour. Mais toute implantation, même avec de gros moyens, n'est pas pour autant définitive.
Exemple avec Habitat Plus. Le constructeur d'Angers a ouvert une antenne à Puilboreau, en 2012, avant de disparaître totalement du paysage (local rasé) voilà quelques semaines. La Rochelle n'est d'ailleurs plus dans la liste des agences locales mentionnées sur le site Internet du groupe…
Un cas d'école, aux yeux d'Olivier Penaud, dirigeant de Maap, à Aytré. « Nous, on construit des maisons, ici, depuis 1979 et 68 % de notre clientèle vient nous voir sur la recommandation d'amis qui nous ont déjà fait confiance. Alors je ne dis pas que le renforcement de la concurrence n'est pas inquiétant. Mais ce qu'il faut, surtout, c'est savoir répondre aux besoins de nos clients et travailler avec des artisans qu'on connaît bien, fiables. »
Évidemment, si le marché de la construction neuve redécollait, ça apaiserait les tensions. Mais la mise en route au 1er janvier de la réglementation thermique 2012, aux contraintes renforcées en matière énergétique, ne peut qu'augmenter le coût des projets de construction. Et en période de crise, cela ne paraît pas de nature à garnir les carnets de commandes des constructeurs…