«C’est terrible», dis-je en hochant la tête, «mais je dois y aller.»
Il me crie ces paroles, alors que je retourne à ma cellule: «Es-tu vraiment branché sur ce qui se passe?»
Je me retourne et lui crie à mon tour: «Non, pas vraiment. Passe une bonne soirée!»
Je suis un introverti. Un anxieux. J’ai lutté toute ma vie contre cette condition. Je lis, j’écris, j’évite les nouvelles à la télé. Surtout en ce moment. À l’école, j’étais celui que les durs enfermaient dans un casier pour s’amuser. À l’université, par contre, les intellos régnaient. À travers nos épaisses lunettes, nous voyions des gens comme nous et nous relaxions. Maintenant, je suis en prison. C’est comme si j’étais revenu au secondaire.
Mon programme en 12 points m’offre une prière réconfortante: «Mon Dieu, donne-moi la sérénité d’accepter ce que je ne peux pas changer, le courage de changer ce qui peut l’être et la sagesse de discerner l’un de l’autre.» Reconnais les choses que tu ne peux pas contrôler dans ta vie, et arrête de t’en faire avec elles. En prison, à peu près tout se retrouve dans la catégorie de ce qui échappe à notre contrôle. Et pourtant, je demeure un introverti prudent. Je lis dans ma cellule, alors que les gens dans la cour bavardent à propos de sports, de gardiens et de politique.
L’Évangile de Matthieu était au programme d’une soirée d’étude biblique à la chapelle. Dans Matthieu, chapitre 6, verset 27, Jésus dit, selon notre traduction: «Ce n’est pas en vous faisant du souci que vous pouvez ajouter un seul jour à votre vie!» Tout le cercle des participants acquiesce. «Pourtant, je m’inquiète encore», nous dit le prêtre. «Je sais que c’est inutile, mais je ne peux m’en empêcher.» Même les prêtres ne peuvent s’empêcher de désobéir à Jésus sur ce point.
Dans son livre à succès «Quiet» (The Power of Introverts: La force des introvertis), traduit en 30 langues, Susan Cain écrit à propos de sa propre introversion. Elle nous présente Jerome Kagan, un psychologue de 82 ans, qui a passé sa vie à étudier l’introversion. Dans son laboratoire de Harvard, Kagan a établi ceci: les personnes introverties sont plus sensibles. L’amygdale est une partie de notre cerveau (ne pas confondre avec l’amygdale de la gorge) qui s’est développée bien avant notre capacité de penser. C’est un noyau primitif que nous partageons avec les lézards et les souris. L’amygdale d’un enfant timide, observée sur un scanneur, clignote plus furieusement lorsque l’enfant est exposé à de nouveaux visages, de nouveaux lieux et de nouvelles sensations. En grandissant, cet enfant deviendra un adulte sensible, intelligent et introverti. Les recherches de Kagan montrent que les introvertis ressentent les choses plus fortement, qu’ils sont plus impressionnables et qu’ils pensent de manière plus profonde. On naît introverti, on ne le devient pas.
Susan Cain se plaint que les introvertis sont sous-estimés dans notre société. Les gens tranquilles réussissent bien dans les tâches qui demandent de la concentration : les arts, la mécanique, la résolution d’énigmes, l’écriture. Nous, les introvertis, sommes mis de côté par ceux qui parlent plus fort et qui prennent les commandes. On donne l’huile à la roue qui grince.
À chacun sa nature. Introvertis ou extravertis, artistes ou vendeurs. Nous avons besoin l’un de l’autre. Si personne ne se fait de souci, si le monde est dominé par l’intrépidité et l’optimisme, si personne ne s’adonne aux tâches qui ne peuvent être accomplies que dans le silence et la tranquillité… nos banques tombent, notre environnement devient poussière, nos trains déraillent et explosent. Comme l’écrit l’auteur néerlandais Frederick van Eeden: «le soleil accepte bien de passer par les petites fenêtres.»
Dans l’intimité de ma cellule, étendu sur mon lit de camp, je ferme le livre Quiet et leNouveau Testament, j’éteins ma lampe de chevet et je m’endors. Pour un temps, je ne me soucie plus de mes soucis.
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