L’aura diplomatique qui lui a donné une certaine stature présidentielle a
déjà disparu, engloutie par les flots des grèves et de la contestation intérieure.
Et il faut bien le reconnaître, François Hollande a été à la hauteur de ses responsabilités ce vendredi 6
juin 2014.
La "séquence" diplomatique
En maître de cérémonie, il a su réunir dix-neuf chefs d’État
et de gouvernement, dont quelques grands comme Élisabeth II, la reine d’Angleterre, Barack Obama, le Président des États-Unis, Vladimir Poutine, le Président
de la Fédération de Russie, Angela Merkel, la Chancelière allemande, et aussi le Prince Charles, David
Cameron, le Premier Ministre britannique et plein d’autres responsables diplomatiques.
François Hollande a été maître de cérémonie sans être arrogant. En se souciant surtout du confort de ses
invités. En se faisant le discret entremetteur de relations bilatérales (pas seulement lui, d’ailleurs, Angela Merkel aussi).
Bref, ces nombreuses cérémonies du 6 juin 2014 ont été un double succès diplomatique.
Le premier sur la commémoration à la fois d’une opération militaire historique mais plus généralement de la
fin de la Seconde Guerre mondiale, et là, tout a semble-t-il été dit pour les livres d’histoire. François Hollande a prononcé trois grands discours, très bien écrits et au fond très étudié. Un
premier à Caen où il a salué au nom de la France la mémoire des victimes civiles du Débarquement. Plus généralement, il a voulu saluer tous ceux qui sont morts dans cette terrible guerre, quels
que soient leur "statut", origine, etc. Un autre au cimetière miliaire américain de Colleville, où, reçu par Barack Obama, il a exprimé la reconnaissance de la France envers l’effort des États-Unis. Enfin, autour de tous les chefs d’État et de gouvernement venus en Normandie pour veiller à préserver la
mémoire. François Hollande n’a pas omis non plus de parler des victimes soviétiques, très nombreuses, qui ont, elles aussi, contribué à la victoire sur l’Allemagne nazie. Personne n’a d’ailleurs jamais nié la contribution des uns et des autres, mais le dire officiellement donnait
un sens particulier à la commémoration. Par ailleurs, la lecture des témoins de l'époque faite par de jeunes collégiens plein de charisme avait été excellemment bien préparée.
Le second succès diplomatique, c’était que cette rencontre au sommet était également tournée vers l’avenir,
et pas seulement vers le passé, et c’est cela qui était essentiel. La "star" de la fête était évidemment Vladimir Poutine dont la présence était historiquement déterminante dans une commémoration
de ce type mais dont la présence était particulièrement courageuse depuis février 2014 et la crise politique en Ukraine, l’annexion de la Crimée et le séparatisme de certaines régions à l’est de
l’Ukraine. Exclu du dernier G8 redevenu G7, Vladimir Poutine aurait très bien pu rester à Moscou et voir ces festivités de loin, alimentant une sorte de nouvelle version de la guerre froide.
Au contraire de cela, il a pris part pleinement aux différentes discussions. Le plus important pour l’avenir,
c’est qu’il s’est retrouvé à parler au nouveau Président élu de l’Ukraine, Petro Porochenko, réunis par Angela Merkel. Ce fut une reconnaissance de fait de la Russie à l’autorité de Petro
Porochenko qui allait être investi officiellement le lendemain à Kiev. Il a également eu l’occasion de rencontrer François Hollande (dans un "souper" la veille), Angela Merkel, David Cameron et
même Barack Obama, au point qu’on peut se demander si la France n’a pas accueilli un G8 bilatéralisé.
Mais au-delà des chefs d’État et de gouvernement, il y avait un grand nombre de diplomates issus de très
nombreux pays et dans le monde, c’était une occasion, finalement assez rare, de se rencontrer entre pays pour régler de manière informelle quelques différends bilatéraux en toute discrétion.
La "séquence" suivante
Pour François Hollande, cette prestance internationale nouvelle avait de quoi le remonter le moral après le
désastre électoral qu’il a subi aux européennes du 25 mai 2014 et au très mauvais accueil qu’a reçu sa révolution territoriale présentée le 2 juin 2014.
Les éditorialistes s’étaient mis également d’accord sur le fait que si la "séquence" diplomatique avait été
un grand succès pour l’Élysée, elle n’aurait aucune retombée sur la popularité présidentielle ni sur la situation intérieure, ni sur une légitimité supplémentaire sur sa capacité à gouverner,
voire sur son autorité personnelle, remise en cause jusqu’au sein de ses troupes parlementaires à propos de son choix de Jacques Toubon comme
nouveau Défenseur des droits appelé à remplacer Dominique
Baudis récemment disparu.
Jacques Toubon a été une sorte de Jean-François Copé des années 1980, second couteau à la lame et à la langue aiguisées, d’une grande aisance de réflexion et
d’expression, mais sans l’ambition démesurée et sans le goût pour l’argent. Cette étonnante nomination d’ouverture a bien sûr de quoi déconcerter bien des élus socialistes.
Vite oublié aussi ce 6 juin quand de nombreux conseillers présidentiels quittent massivement l’Élysée vers
d’autres cieux plus cléments, plus cléments sauf peut-être pour un qui semblerait avoir des comptes à rendre devant la justice fiscale.
Et force est de constater que les éditorialistes n’ont pas eu tort, car cette semaine a enterré les
considérations historico-mondiales de la semaine précédente pour se consacrer aux préoccupations quasi-égocentriques de quelques syndicalistes à la manœuvre qui voudraient voir le "grand soir",
tandis que le gouvernement est en train de préparer son collectif budgétaire dont l’artisan, Christian Eckert, l’imposant nouveau Secrétaire
d’État au Budget, semble assez bien maîtriser son sujet, ce qui est toujours rassurant (même si ce n’est pas suffisant, Jérôme Cahuzac maîtrisait
lui aussi parfaitement ses sujets).
Des grèves de plus en plus insupportables
Depuis mercredi 11 juin 2014, les Français ont donc pu observer, et tout particulièrement les Franciliens qui, un peu plus que les autres, sont concernés de très près par tout ce qui concerne les
transports en commun, plusieurs grèves. Celle des taxis qui ne veulent pas de la concurrence des chauffeurs privés, mais sans vouloir non plus réformer leur profession aux structures dépassées
(rien que trouver un taxi dans un aéroport parisien pour aller ailleurs qu’à Paris devient impossible). Mais la plus grave est bien sûr la grève de la SNCF qui touche depuis trois jours non
seulement les TGV, TER mais aussi les RER franciliens.
Il n’est plus possible de voir que des personnes qui ont un emploi plutôt protégé, c’est justement sur leur
statut qu’ils focalisent l’attention, puissent ainsi paralyser économiquement un pays déjà exsangue. C’est une forme de suicide collectif. Comme si la France n’était pas assez descendue
au plus bas avec ses 1 500 demandeurs d’emploi supplémentaires par mois.
Non seulement la grève massive des trains porte atteinte à la liberté de circulation, mais elle tétanise
aussi l’économie, et elle va même bientôt s’en prendre aux lycéens qui doivent passer leurs épreuves du baccalauréat lundi prochain. Leur premier examen, avec le stress, la préparation,
l’investissement, qui pourraient être mis à mal par des forces occultes dont ils ne peuvent rien.
Le seul mot qui vient à l’esprit est irresponsabilité de ces pyromanes sociaux qui croient sauvegarder leurs
emplois et leurs avantages alors qu’ils font plonger leur pays dans la récession, et par ricochet, forcément quelques-uns de leurs proches. Face à ce patriotisme de statut, quel pourrait donc
bien être la réaction électorale des usagers en colère, ou, du moins, en attente sur les quais ou comprimés dans les wagon, quand on sait qu’il y a déjà un quart des électeurs qui se sont
déplacés qui ont voté pour le parti fondé par Jean-Marie Le Pen ?
Aller plus loin…
C’est peut-être le moment pour le gouvernement de prendre ses responsabilités, et en France, un gouvernement
socialiste a plus de marge de manœuvre sociale qu’un gouvernement de centre droit. Pourquoi ne pas aller jusqu’à la solution radicale mais néanmoins efficace qu’avait adoptée Ronald Reagan pour protéger les Américains de la grève très dure des contrôleurs aériens fédéraux en été 1981 ? Faudrait-il donc toujours mettre le droit de
grève devant le droit de circuler, le droit d’aller à son travail, le droit de visiter des malades, le droit de chercher un emploi, le droit de passer un examen ? Parfois, des choix
hiérarchiques s’imposent. C’est même l’enjeu principal de la responsable politique d’établir des priorités.
Le gouvernement de Manuel Valls, qui semble nourrir la
sincère volonté de réformer un pays irréformable, paraît ferme sur sa réforme de la SNCF et de RFF. Il faudrait peut-être aller plus loin pour assurer, quotidiennement, les capacités de
transporter tous les Français quelle que soit la situation sociale.
Ce vendredi 13 juin 2014 dans la matinée, en visite en Andorre, le Président de la République a
déclaré : « Il y a un moment où il faut savoir arrêter un mouvement ! ». Puisque François Hollande est déjà au fond du trou de sa
popularité, il n’a plus rien à perdre à engager de nouvelles réformes, et la France aura tout à y gagner. Au moins, sa postérité sera assurée !
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (13 juin
2014)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
François Hollande.
La séquence du Débarquement.
Vladimir Poutine.
Barack Obama.
La Reine
d’Angleterre.
Angela
Merkel.
Manuel Valls.
Révolution territoriale.
Jacques Toubon.
Ronald Reagan.
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/roi-du-monde-et-pas-de-chez-lui-153249