Avant le Dernier inventaire avant liquidation de Frédéric Beigbeder, qui recensait les 100 lectures favorites de l’écrivain, je ne connaissais pas Alain Pacadis, qui trônait parmi les 100 élus. La critique, plutôt élogieuse, me donna envie de lire ce Jeune homme chic. Après avoir écumé les librairies, les sites de ventes en ligne, et les brocantes, en vain, je me suis résolue à l’emprunter en bibliothèque. Car Frédéric Beigbeder n’est pas un lecteur comme les autres. Il est un lecteur snob. Il aime lire des livres que vous ne pourrez jamais lire. Lui les a, mais pas vous. Si l’on faisait le calcul, il y avait, dans sa liste, une majeure partie de livres introuvables. Le Pacadis en faisait partie. Evidemment. Malgré sa réédition en 2002, aux Editions Denoël (avec une préface de Frédéric Beigbeder, lui-même).
Un jeune homme chic d’Alain Pacadis n’est pas un roman, mais un journal. Le dandy punk nous ouvre son année 1977, avec tout ce qu’il compte de festivals, de concerts, d’interviews et de réunions ennuyeuses à Libération, où il était chroniqueur. Malgré tout, il aime le journalisme, et écrit cette formule magnifique :
J’aime le journalisme. Capter l’instant. Un jour après, c’est fini.
Alain Pacadis est cynique, franc — peut-être un peu trop —, drôle, et fait partie de toute la génération punk de cette époque. Il s’amuse, et profite. Il a raison.
Punk : Un jour pour rire, j’ai dit que punk signifiait "prostituée" dans l’anglais élisabéthain du XVe siècle et tous les journaux ont avalé cette couleuvre : Marie Muller (Nouvel Observateur du 23 mai 77), André Laude (Le Monde, 14 octobre 77), Stéphane Pietri (Seventeeen rock)… Les légendes se construisent vite
Je ne regrette pas cette lecture, même si je ne connais pas ce monde, ni cette époque, ce journal retranscrit des interviews de personnalités. On retrouve Serge Gainsbourg, Andy Warhol, et des tas de chanteurs et de membres de groupes de l’époque. Ce livre passionnant, est rempli d’anecdotes. Voici un court extrait de l’interview d’Alain Pacadis à Serge Gainsbourg :
Alain Pacadis : Ton chien est très spécial.
Serge Gainsbourg : Il est mal dessiné.
AP : C’est une race spéciale.
SG : Non, c’est un bull-terrier. Quand je le perds, je demande aux voisins : "Vous n’avez pas aperçu un cochon ?" On me le retrouve toujours.
Puis ce fantastique dialogue, issu d’une interview d’Alain Pacadis à Andy Warhol :
AP : Et quand tu vas dîner quel est ton plat préféré ?
Andy Warhol : Les MacDonalds.
AP : Ils en ont ouvert quatre ou cinq à Paris. Je trouve aussi que ce sont des endroits où la nourriture est divine.
Et bizarrement, Un jeune homme chic semble toujours être d’actualité. Même si aujourd’hui, les styles musicaux ont évolué, les thèmes sociaux ne changent pas. Alain Pacadis évoque avec Joe Strummer, la dépénalisation de la Ganja. Plus loin, il reprend cette phrase de Daniel Schmidt, évoquant la xénophobie et l’homophobie.
Ma position est celle d’Adorno : le philosémitisme est un leurre, la situation ne sera pas normale tant que des gens diront encore : sale juif, sale pédé, sale travelo.
Puis une interview avec les Clash montre que trente ans plus tard, rien n’a changé.
Nous cherchons à éduquer les kids qui viennent à nos concerts pour les empêcher de s’inscrire au Front National, si la situation politique se dégradait.