Des familles fuient la province du Kurdistan irakien, le 10 juin 2014, après la prise de Mossoul par les djihadistes de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) I Photo Safin Hamed. AFP
Les djihadistes menacent Bagdad et Damas. Tout le Proche-Orient est ébranlé par cette guerre entre sunnites et chiites, entre radicaux islamiques et pays occidentaux.Le monde assiste, stupéfait, à l’ultime conséquence de l’invasion américaine de l’Irak en 2003, qui a eu pour effet de déstabiliser durablement le pays, que se disputent aujourd’hui les sunnites et les chiites. Les djihadistes de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), soutenus par des milices sunnites et une partie de la population, marchent sur Bagdad après avoir conquis Mossoul, seconde ville irakienne. L’armée régulière, pourtant dix fois plus nombreuse, semble en déroute. C’est tout le nord-ouest de l’Irak qui a basculé et qui se trouve désormais sous le contrôle des islamistes radicaux de l’EIIL.
De leur côté, craignant un assaut contre Kirkouk, les forces kurdes ont pris le contrôle de la ville pétrolière multiethnique située à 240km au nord de Bagdad. Les Kurdes ont annoncé qu’ils repousseraient toute tentative d’assaut.
Le gouvernement à dominante chiite du Premier ministre Nouri al-Maliki se trouve en grande difficulté. L’allié américain, qui s’est retiré d’Irak après dix années d’occupation, menace de frappes aériennes les rebelles. Le retour des troupes US à Bagdad n’est pas à l’ordre du jour.
Dans un enregistrement sonore, l’un des dirigeants de l’EIIL, Abou Mohammed al-Adnani, a appelé les insurgés à "marcher sur Bagdad" et les villes saintes chiites de Kerbala et Najaf. Le Premier ministre, méprisé par les djihadistes, a appelé "toutes les tribus à former des unités de volontaires" pour combattre les insurgés aux côtés de l’armée régulière. Quant à l’Iran chiite, allié du gouvernement irakien, il a promis par la voix de son président Hassan Rohani de "lutter contre le terrorisme" en Irak, sans en dire mots sur les actions qu’il pourrait entreprendre à l’égard de son voisin. Autant d’éléments qui laissent penser que l’Irak s’engage vers une guerre civile, mettant en action des forces qui dépassent largement son propre territoire. Ainsi, dans le soutien au régime de Bagdad, Washington et Téhéran deviennent des alliés objectifs au moment même où reprennent les négociations avec l’Iran sur le contrôle de ses installations nucléaires.
Au-delà de l’Irak, c’est la guerre en Syrie qui entre dans une phase inextricable. L’EIIL est également puissant en Syrie même s’il est combattu par d’autres groupes, y compris par des sunnites moins radicaux. Là encore, l’Iran intervient, cette fois aux côtés de Bachar al-Assad, par le biais du Hezbollah chiite libanais. On peut désormais se demander qui est le pire ennemi des Américains et des Occidentaux en Syrie : Bachar al-Assad ou les djihadistes de l’EIIL ?
L’infernal chaos dans lequel s’enfoncent l’Irak et la Syrie pose question sur la situation explosive de tout le Proche-Orient et, au-delà, sur la "guerre au terrorisme" engagée par les Américains dans cette partie du monde ; Une guerre qui tourne mal. Treize ans après le 11 septembre 2001, les Occidentaux semblent impuissants face au spectre infernal de l’islam radical.FG