Le toupet
Voilà une qualité, jeunes aspirants, qu’il vous faut
posséder. Sans elle vous ne parviendrez à rien. Vous devez tout oser. Ça vous
réussira toujours. Ne vous dites jamais que vous risquez quelque chose. Allez
de l’avant.
Si vous avez envie de connaître le grand écrivain Z., afin de vous
faire recommander par lui, n’hésitez pas, présentez-vous à son domicile, à
n’importe quelle heure, forcez sa porte, rudoyez ses domestiques,
abasourdissez-le par votre verbiage, faites en sorte qu’il vous accorde aide et
protection. Parlez haut. Soyez tout juste poli.
Si par hasard le grand écrivain
Z. prend la mouche et vous met à la porte, avec un coup de pied au creux des
reins, ne vous alarmez pas pour si peu. Vous en verrez bien d’autres. Du toupet !
Encore du toupet !
Assistez aux répétitions générales sans avoir
d’invitation et serrez hardiment la main des grands critiques et des auteurs en
vogue. Ça vous pose et vous n’avez pas à craindre que ces messieurs refusent.
Ils connaissent tellement de monde qu’ils ne reconnaissent plus personne.
Enfin, si vous n’êtes pas trop jeune, arborez à votre boutonnière une
décoration ! La Légion d’honneur ou à défaut les palmes académiques.
P.-S. La présentation de cette série d'articles publiés dans L'Aurore en 1914 se trouve ici. Ils ont été retrouvés grâce à Gallica.