L’euthanasie est un sujet certes bien vaste et compliqué, mais qui m’a toujours préoccupé. Parce que je pense que chaque homme devrait avoir le choix de s’en aller dans la dignité, quand un accident ou une maladie le mène vers une déchéance inéxorable. Je n’ai jamais compris l’intérêt d’un acharnement thérapeuthique ou médicamental, à partir du moment où l’individu qui sait et comprend que son état ne s’améliorera pas, voir qui sait que de toute façon il n’en a plus que pour 2 mois, peut-être 6 mois, demande à partir avant de devenir un véritable légume. Et je parle bien de donner le choix, non de rendre cet acte automatique pour chaque patient en fin de vie. Car un homme a aussi le droit de vouloir vivre, de garder espoir jusqu’au bout, il a le droit de décider de combattre sa maladie jusqu’à son dernier souffle. Et c’est bien pour ça que l’euthanasie doit être effectuée dans des conditions précises, avec un protocole à respecter.
Aujourd’hui en France, cela reste un sujet de débat important, même si ces dernières années, les débats on fini par aboutir sur une Loi Léonetti, qui vise entre autre à protéger les malades contre l’acharnement thérapeutique, lorsque le corps médical sait qu’il n’apportera pas d’amélioration.
Et si ces dernières années, ce débat est revenu souvent au contre des sujets de société, c’est parce qu’un jeune homme, Vincent Humbert, a adressé une lettre directement à Jacques Chirac, alors président de la république, dans laquelle il lui demandait se droit de mourir.
J’ai donc voulu lire ce rémoignage
Synopsis
" Pourquoi les médecins se sont-ils acharnés sur moi pour me maintenir en vie ? De quel droit ? [..] Dans mon cas, me faire vivre, forcer le destin pour me sauver à tout prix et faire de moi ce que je suis désormais était une connerie. " En décembre 2002, Vincent Humbert, jeune tétraplégique, aveugle et muet, sollicite du président de la République le droit de mourir, qui lui est refusé. Cloué sur son lit d’hôpital, conscient de l’immense chagrin qu’il cause à ses proches et particulièrement à sa mère, Marie, qui veille sur lui sans relâche, Vincent n’attend qu’une chose la délivrance qui mettra un terme à son supplice. Son cri à la mort et ses confidences déchirantes ont relancé le débat sur l’euthanasie. La justice peut-elle refuser une mort digne à ceux que la vie a abandonnés ?
Mon avis
Ce livre est émotionnellement très fort. De par son sujet bien sûr, mais aussi pour la manière dont ce livre ce jeune homme. Car si vous vous attendez à lire le pamphlet d’un pauvre type malheureux qui voudrait que tout le monde s’apitoie sur son triste sort, vous faites fausse route. Vincent Humbert ne veut pas se plaindre, il veut juste qu’on prenne son choix en considération, et surtout que son combat contre la vie puisse faire avancer les choses dans le domaine de la réfléxion sur l’euthanasie.
A travers ce livre, il nous parle de sa vie d’avant, ou du moins de ce dont il se souvient, il parle de toutes ses aspirations et tous ces projets qu’il avait en tête. Il revient sur ses relations familiales et amicales. Mais il nous relate surtout son quotidien dans cette chambre d’hôpital. Son état lui laisse peu de choix pour communiquer avec les autres : son pouce et sa tête. Et très vite, il en vient à évoquer son choix de vouloir en terminer avec cette vie qui, pour lui, n’en est plus une. Parce qu’il ne supporte plus de se savoir ainsi, mais également il souffre de ce chagrin que son état provoque chez sa maman.
Il y a d’ailleurs une énorme part de ce témoignage qui est consacré à sa relation et ses dialogues avec sa mère, qui viendra lui tenir compagnie chaque jour pendant 3 ans. Cette relation est émouvante à découvrir, mais elle est aussi très intéressante, car contrairement à ce que je pensais, Madame Humbert n’a pas accepté si facilement que cela le fait que son fils ait envie de mourir. Est-ce étonnant de la part d’une mère de croire que pour son enfant il y a forcément une solution pour qu’il guérisse ? Quoi de plus normal que d’espérer ? Car accepter que son fils veuille mourir, c’est accepter qu’il en finisse avec la souffrance, mais c’est aussi lui dire au revoir pour toujours, ne plus jamais le revoir. Alors oui, je comprends que pour cette femme ce soit une situation traumatisante. Elle aime son fils, et il le sait. Et d’ailleurs, il n’est pas toujours tendre avec elle, il la bouscule, veut la faire réagir, veut qu’elle comprenne son choix. Elle le comprend et l’accepte. Elle accepte même de faire l’acte d’euthanasie elle-même, lorsque son fils le lui demande. Point de vue que je ne partage pas. Car voir partir un proche, même si c’est pour mettre fin à ses souffrance, est déjà une épreuve en soi, mais accomplir l’acte lui-même d’euthanasie n’a rien d’anodin. Personnellement je serais pour que seuls les médecins puissent le faire. Dans mon cas, je ne me verrais absolument pas demander à ma mère, mon père, mon frère ou ma sœur une telle chose.
Avant de lire ce témoignage, je connaissais bien sûr l’affaire Vincent Humbert, et j’avais l’intense conviction que dans un cas similaire au sien, j’aurais réagi exactement comme lui. Quel intérêt de rester cloué sur un lit d’hôpital quand on ne peut plus parler, qu’on ne voit pas, qu’on ne peut plus faire la fête avec les amis, qu’on ne peut plus aller se balader au bord de la plage… ? Sauf qu’il y a cette lettre qu’un certain Jacques de Lyon lui a adressée, et qu’il a choisi de partager intégralement dans son témoignage. Et après avoir lu cette lettre, j’ai eu un regard bien différent sur le sujet. Je suis toujours convaincue de la nécessité d’une loi sur l’euthanasie, mais je suis beaucoup moins catégorique sur le choix que moi-même je prendrais dans une circonstance similaire à Vincent Humbert. Car cette lettre pleine de bon sens donne une approche bien différente et tout aussi juste que celle de Vincent. En effet, Jacques ne condamne pas la décision du jeune homme (comme certains ont pu le faire, sous prétexte que c’était à l’encontre de la décision de Dieu… j’ai beau être catholique, je n’approuverai jamais ces personnes qui sous couvert de la religion s’estiment en droit de fustiger quelqu’un qui ne ferait pas le même choix qu’eux), il lui expique son cheminement de pensée, son parcours, et à travers son témoignage demande à Vincent de bien réfléchir à sa décision finale. Il veut lui apporter un espoir. Le jeune homme restera ferme dans son choix, mais j’apprécie cette démarche qu’il a eu d’intégrer cette lettre pour que le lecteur puisse avoir cette piste de réflexion. Si vous souhaitez lire cette lettre, elle se trouve juste là.
En conclusion, Je vous demande le droit de mourir est un témoignage émouvant, mais également intéressant car même si l’on n’est pas d’accord avec son choix, il permet de comprendre sa démarche et son état d’esprit. Enfin, il nous fait prendre conscience, si besoin est, que dire « je suis pour l’euthanasie » ou « je suis contre l’euthanasie » n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît.
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