Réalisateur : John Woo
Année : 1997
Genre : Action
Avec : Nicolas Cage, John Travolta, Gina Gherson, John Carrol Lynch, Nick Cassavetes, Joan Allen
L'histoire : Castor Troy (Nicolas Cage) est un terroriste qui a tué le fils d'un agent du FBI : Sean Archer (John Travolta). Depuis lors, ce dernier est son ennemi juré. Pour désamorcer une bombe planquée dans L.A, Archer va être obligé de prendre (via une opération de chirurgie esthétique) le visage et l'apparence de son ennemi afin de soutirer au frère de ce dernier (Pollux, ici joué par Allessandro Nivola (Jurassic Park 3, The Eye).
La critique d'hdef :
Sorti en 1997, Volte-face est le 3e long métrage tourné par John Woo aux US, après le calamiteux Hard Target (dézingué sur le blog par mes soins le 24 octobre dernier) et le sympathique mais dispensable Broken Arrow. Sur ce dernier, John Woo a découvert un acteur de talent remis sur le devant de la scène grâce au Pulp Fiction de Quentin Tarantino en 1994. Cet acteur, c'est John Travolta. Impressionné par l'intéressé, le cinéaste hong-kongais l'engage à nouveau dans un rôle de méchant (puisque Travolta passe une grande partie du film avec le personnage de Cage, si vous avez bien suivi !) pour ce Volte-face.
À ses côtés, nous retrouvons Nicolas Cage, récemment auréolé au succès de Leaving Las Vegas de Mike Figgis. Les seconds rôles sont pour le moins intéressants (John Body of Proof Carrol Lynch, Nick She's so Lovely Cassavetes ou encore Joan Le Sixième sens Allen) mais rarement développés et souvent ridicules.
Durant le tournage, l'ambiance est excellente comme en témoigne le livre (excellent lui aussi) de Caroline Vié Toussaint tout simplement nommé John Woo et édité chez Dark Star (comme le film de Carpenter, tout à fait !). En effet, on apprend notamment que Nicolas Cage, connaissant la passion de John Woo pour L'Inspecteur Harry de Don Siegel, lui offrit l'affiche du film (encadrée) pour son anniversaire qui tombait pendant le tournage. Nicolas Cage et John Woo parlent souvent d'une ambiance familiale à propos de celle qui règnait sur le plateau.
"Si tu ne la fais pas cette prise, je te bouffe avec des lardons !"Trêve de bavardages, rentrons (entrons ?) dans le vif du sujet. Souvent qualifié de "meilleur film américain de John Woo", Volte-face a tendance à remporter les suffrages de la critique, qui en fait un petit chef d'œuvre d'action. Or pour l'avoir revu une seconde fois tout récemment, je dois avouer avoir été terriblement mais vraiment terriblement déçu par ce film qui passe complètement à côté de son sujet.
Commençons l'inventaire par la distribution. Et tout d'abord, je vais m'échauffer en tapant sur Nicolas Cage, acteur clairement capable du meilleur (Lord of War, Sailor & Lula, Kick-Ass) du moment qu'il ne surjoue pas. Par exemple, dans le film d'Andrew Nicol, le bonhomme intériorisait une grande partie de ses émotions, restant d'un calme impassible, froid, et de ce fait terrifiant puisqu'inhumain (on penserait presque au Pacino du Parrain 2 !). Ici, c'est tout le contraire. Alors ça commence par hurler depuis un avion, ça arbore des flingues en or tandis que le manteau flotte au vent (dans un aéroport d'où aucun avion ne décolle et de surcroît en plein été ! Ça va bien la frime !) et que les lunettes de soleil ne se baissent que pour laisser affleurer un regard de pervers friqué et bling-bling complètement stéréotyppé ("Tu me serais reconnaissant si je te laissais sucer ma langue ?") et que Nicolas Cage n'interprète pas mieux que le premier venu. En en rajoutant en permanence (la scène de la prison où il hurle pour masquer sa tristesse est un grand moment de rigolade), l'acteur (qui prend le contrepied du bon conseil de Michel Bouquet : "Réduire, réduire.") ne réussit qu'à attirer notre anthipathie, soit l'inverse de ce que le cinéaste semble attendre. Mouais mouais…
Bon alors heureusement il y a Travolta. Bien qu'enclin à la tactique du "J'en fais des tonnes comme ça, avec un peu de chance, on me prendra pour Jack Nicholson", notamment lorsqu'il lèche les cheveux de la fille de son ennemi juré où qu'il tente de s'arracher la tronche, l'acteur réussit à tirer son épingle du jeu, mais pour livrer une prestation tout aussi oubliable et convenue que celle du major Deakins dans Broken Arrow. Cela étant, ça reste John, et John, moi, je l'aime bien !
Bon c'est pas tout ça, deux acteurs principaux dont un cabotine mochement et l'autre cabotine bellement (ça nous fait une belle jambe !), mais il reste les seconds rôles ! Et là, c'est du bonheur (je suis ironique là !) en barres ! On a John Carrol Lynch échappé de Sex Friends et de Volcano qui se la joue "Louise Fletcher du milieu carcéral", on a Dominique Swaïn (moi non plus je ne la connaissais pas mais on va faire comme si), rescapée de Ghost Whisperer, qui en fait elle aussi un peu trop en ado rebelle (et punk avec ça) qui ferait passer le James Dean de Le Fureur de vivre pour un fils à maman et pour finir en beauté, nous avons également Joan Allen, aussi convaincante qu'un concombre vinaigrette en madame la femme du flic de la CIA (un coup FBI, un coup CIA, comme ça y'en a au moins un des deux qui est bon puisque je m'embrouille entre les deux !) martyrisé.
Bien, autant dire que Volte-face ne part pas avec de bonnes bases.
Pour être honnête, l'idée de départ me plaisait bien, puisqu'elle offrait l'opportunité de se farcir un pur film d'acteurs puisque, vous l'avez compris, John Travolta doit imiter le jeu de Cage et vice-versa. Seulement vu qu'il y en a un des deux qui ne suit pas (Cage), c'est toute la chaine qui part en cacahuète. Donc l'idée de faire le grand Heat du polar d'action, c'est rapé.
Pas grave, il reste les fusillades. Et John Woo, c'est THE KING OF THE GUNFIGHTS, non ? Si ! On est sauvé ? Pas pour autant… Car il faut bien l'avouer… Bon quel est le comble pour un jardinier ? De se mettre à poils devant ses tomates pour les faire rougir ! Quel est le comble pour John Woo ? De foirer se fusillades pour me faire mugir ! On assiste donc médusés à des jets de sang non affectés par la gravitation puisque parallèles au sol, à une succession de ralentis si brefs et inutiles qu'on les croirait contrôlés par un épileptique en pleine crise, à des explosions moins bien foutues que dans un James Bond des années 90 (hors Goldeneye, pas du top niveau donc !) et surtout une autocensure particulièrement gênante (le montage est conçu si habilement qu'on ne verra ni cul ni tripes, si ce n'est le visage de Nic Cage…sans visage, mais avec les yeux, une bouche (puisqu'il fume, il va pas se mettre la cigarette dans… ok j'arrête) et des oreilles. Bon, donc on va dire une ébauche de visage, et de surcroît dans les lunettes (cassées) d'un chirurgien. Tu parles d'un angle de vue !)
On n'oubliera pas de citer l'hilarante scène en hors bord qui pique allègrement du côté de chez Bons baisers de Russie et de… Tintin (si on peut plus déconner !) et la mort de Travolta tué au fusil à harpon (après une scène de fight qui préfigure celle de Mission : impossible 2 en plus court (ouf !) un peu comme dans La Dernière cible (oui, je parle bien du 5e "Inspecteur Harry", celui que Oliver a si gentiment noté 06/20 !). Bref, la routine !
Et c'est bien ça le gros problème ! À la limite je vais pas casser les pieds à John Woo avec son sentimentalisme neuneu parce que de ce point de vue-là, ses films valent pas un kopeck rouillé (mélange d'un clou rouillé et d'un kopeck... kopeck !). Donc je m'en balance un petit peu que son ouverture fasse passer Blanche-Neige et les sept nains pour un film pervers, que son happy-end soit plus mielleux que du multi-fleurs (c'est un miel dont José parle dans Scènes de ménage) même si de la part du réalisateur de The Killer ça me retourne les chaussettes comme un estomac (ou l'inverse !).
Non, le problème vient du fait que ses fusillades sont si téléphonées qu'on se demande, mais qu'on se demande où le cinéaste a bien pu pondre un truc aussi dénue d'âme et de crédibilité (pas du point de vue des scènes d'action mais de l'écriture : comment Cage arrive-t-il à convaincre le gros lard qui l'aide à sortir de taule qu'il n'a pas (ou que celui qu'il est censé être) violé sa sœur ? En le lui disant comme si c'était parole d'évangile, et il faut croire que c'est vrai puisque ce crétin made in spaghettis le croit !). Je ne vous le cacherais pas parce que j'en ai pas envie : le scénario de ce Volte-face bourré de trous béants, et la scène de l'opération chirugicale qui devait être le clou du film ne ressemble qu'à une version SF soft des Yeux sans visage de Franju que Woo visionna avant le tournage.
Alors après, tout n'est pas à jeter dans Volte-face. J'ai bien aimé en particulier la scène du match nul mexicain (deux mecs se braquent leurs armes mutuellement ! Vous savez ils passent leur temps à y jouer dans Reservoir Dogs) "géant" (puisqu'il comprend une quinzaine de "joueurs", ce qui nous vaut une réplique bien sentie de Travolta : "Quelle situation fâcheuse !" Tu l'as dit bouffi !) qui regorge d'inventivité et dont le clou ne nous déçoit vraiment pas…même s'il y a tellement de colombes dans l'Église que j'ai cru que c'était un abattoir ! D'un autre côté on mange pas des colombes… si ? Bah on mange bien du pigeon ! Passons…
Toujours est-il que malgré quelques qualités pas franchement reluisantes, ce Volte-face qui aurait dû être le film d'action ultime se réduit à un simple actionner aux tendances SF Proyasiennes. Pas complètement déshonorant (surtout quand on sait quelles bouses Woo a produit au cours de la décennie) mais franchement pas de quoi se vanter.
Note : 10/20 John, c'est bien parce que c'est toi !