Délits d’Opinion : Le printemps a été rude pour les partis de gouvernement. Qui de l’UMP et du PS est, selon vous, le plus mal en point ?
Guillaume Tabard : « Ces deux forces politiques font face à des crises de nature différente. Celle qui touche le PS est structurelle et donc plus profonde tandis qu’à l’UMP l’affrontement concerne uniquement le leadership. En effet, à droite le scenario est relativement classique et si l’UMP a parfois été au bord du gouffre il ne semble plus y avoir de risques d’implosion à ce stade. A l’inverse, au PS la situation est beaucoup plus grave car on assiste purement et simplement à l’effondrement d’un courant politique.
D’un point de vue électoral les deux élections de ce début d’année ont démontré que l’électorat UMP existait toujours tandis que l’électorat du PS s’est évanoui au point d’atteindre un score historiquement bas aux élections européennes. La gauche de gouvernement a perdu totalement des catégories entières qui faisaient autrefois sa force : les jeunes, les classes populaires. Et souvent au profit du Front national.
Délits d’Opinion : A droite la guerre de succession bat son plein. Le retour de Sarkozy est-il le seul élément qui va dicter l’avenir du parti ?
Guillaume Tabard : « Il est évident que Nicolas Sarkozy et son positionnement demeurent un point de fixation majeur. Cependant l’ancien président n’a pas toutes les cartes en main et déjà plusieurs rivaux semblent en mesure de lui opposer une résistance voire une concurrence. A ce jour il existe 7 ou 8 personnalités capables de briguer la présidence de l’UMP, devenue, soit-dit en passant, une étape décisive sur la route de 2017 et des primaires.
A quelques mois d’un nouveau vote il est évident que le retour de Nicolas Sarkozy et le type de campagne qu’il va conduire vont avoir un impact sur le duel final. La première interrogation de poids est aujourd’hui dans le camp de François Fillon qui devra évaluer s’il est en mesure de s’opposer ou non à lui.
Délits d’Opinion : Le possible retour de Sarkozy et la lutte qui va se jouer entre 2 ou 3 candidats peut-elle provoquer une recomposition de la droite et du centre ? Alain Juppé a-t-il une brèche entre l’ancien Président et la jeune génération ?
Guillaume Tabard : « Ce scenario n’est pas le plus probable ; sans doute parce qu’il n’est pas le plus souhaitable pour une droite qui veut reconquérir le pouvoir en 2017. Le rapprochement avec les centristes ne semble pas dans l’air du temps; notamment parce que la famille centriste a déjà des sujets majeurs à régler en interne. Pour la galaxie du centre il n’y a pas d’intérêt à court ou moyen termes de s’allier avec un parti en pleine tourmente. Il semble également très peu probable de voir des leaders de d’UMP sauter le pas alors même que le pays penche clairement à droite. Je ne crois donc pas à un grand parti de la droite et du centre.
Si tout est possible en politique, l’idée de voir Alain Juppé devenir candidat et soutenu par l’UMP semble encore lointaine et peu probable. Paradoxalement la marge de manœuvre de l’ancien Premier ministre est beaucoup plus étroite qu’il n’y parait. Dans un scenario qui confirmerait le retour de Sarkozy il n’est pas certain que le maire de Bordeaux souhaite s’opposer frontalement à l’ancien Président. De la même manière face à François Fillon, Alain Juppé ne disposerait pas d’un espace politique très important pour s’imposer dans le cadre d‘une bataille interne à l’UMP ».
Délits d’Opinion : Le FN version « Rassemblement Bleu Marine » est-il en train de devenir un partie de masse ? A-t-il déjà changé de statut ?
Guillaume Tabard : « Le printemps 2014 a démontré qu’il était désormais impossible de positionner le FN comme un parti d’extrême droite ; notamment si on regarde les gains qu’il a opéré à gauche et à l’extrême gauche. On fait face à un objet politique d’un genre nouveau qui ne peut plus être positionné sur l’échelle gauche-droite. Le parti de Marine Le Pen est devenu une force d’attraction et un acteur majeur avec lequel il faut compter.
Le FN propose une offre politique inédite qui séduit et lui permet d’incarner un parti de gouvernement. La dynamique du FN n’est plus seulement la résultante d’une droite fragilisée, elle est tout autant la résultante d’une crise profonde de la classe politique dans son ensemble.
Devenu un pôle de rassemblement en 2014, le FN est bien plus fort qu’en 2002 où Jean-Marie Le Pen faisait le plein lors du premier tour sans de grandes réserves pour le second. Les derniers scrutins ont démontré une marge de progression réelle que cela soit au niveau municipal ou régional ».