Loi ALUR et Cécile DuFAIL

Publié le 12 juin 2014 par H16

Mauvais karma pour les Bisounours : contrairement à un plan de route établi au micro-poil de longues années en avance, des imprévus se sont glissés sur le trajet qu’ils comptaient emprunter (moyennant des prêts à taux bas et des facilités de crédit assez exceptionnelles). Et patatras, voilà donc un nouvel échec du gouvernement, inévitable et parfaitement prévisible, qui se déplie lentement devant nos yeux.

L’immobilier n’est décidément pas un marché facile pour les joyeux étatistes, et plus ils sont dogmatiques, plus fortes sont les chances que leurs aventures interventionnistes leur pètent violemment au museau. C’est exactement ce qui est en train de se produire avec les rocambolesques bricolages législatifs que Cécile Duflot nous aura laissés en héritage après deux ans d’acharnement à raconter, faire et défaire n’importe quoi n’importe comment.

On s’en souvient, toute l’histoire de la loi ALUR, puisque c’est d’elle dont il s’agit ici, est une démonstration parfaite de ce que peut faire l’incompétence comme dégâts lorsqu’elle est jetée au milieu d’un ministère dont les moyens financiers ne sont pas aussi nuls que sa ministre de tutelle. À l’épisode précédent, nous avions actualisé le schéma indiquant le parcours institutionnel d’une loi débile dans notre belle République du Bisounoursland. Il est temps, à présent, de le rafraîchir pour tenir compte des derniers développements : l’échec étant avéré, la facture va être adressée à tous les contribuables, tous les propriétaires et tous les locataires de France.

En effet, à cette étape, le bilan ne fait plus aucun doute.

D’une part, le dispositif « Duflot » d’investissement locatif s’est banané en rase campagne avec le bruit mou de petits fruits blets lancés sur un mur. Les conditions d’accès incompréhensibles ou trop restrictives ont largement entamé l’intérêt de ce type de prêts qui n’ont finalement concerné qu’une toute petite partie des Français. D’autre part, la loi Duflot prévoyait la cession gratuite (ou fortement décotée) de terrains constructibles appartenant à l’État, mais n’a abouti finalement qu’à une poignée d’opérations (moins de dix). Le ridicule ne tue pas mais fait quand même des ravages.

À ces merdoiements tout à fait dans l’esprit gouvernemental, il faut aussi admettre que tout avait été fait pour que la conjoncture n’aide en rien les petites poussées catarrheuses de la pauvre Cécile sur le sujet : comme l’État avait absolument tout fait pour protéger et maintenir sous oxygène le marché de l’immobilier à la suite de la crise de 2008, les prix des biens disponibles ne se sont pas réajustés comme ils l’ont fait dans d’autres pays. Actuellement trop hauts pour les salaires moyens français, ils n’ont pas permis à de nouveaux acheteurs de devenir solvables.

Pire encore, l’explosion paperassière faisant suite aux prouesses législatives de Duflot ont laissé plus d’un vendeur ou d’un agent immobilier pantois. En effet, pour qu’une promesse de vente soit valable, il faut désormais fournir une masse invraisemblable de documents administratifs (règlement de copropriété, procès-verbal des trois dernières assemblées générales, état de division des lots…) qui non seulement ralentissent le processus de vente, mais en plus coûtent pour leur collecte du temps et des moyens financiers dont ne disposent pas toujours les vendeurs. Après le ridicule, c’est le choc de simplification qui fait des dégâts.

Enfin, même les dispositions de la loi ALUR qui n’ont pas encore trouvé leur décret d’applications font frémir tant les propriétaires que les professionnels de l’immobilier, refroidissant encore un peu plus un marché déjà particulièrement visqueux.

Tout ceci est déjà calamiteux. Si l’erreur est humaine, pour une vraie catastrophe, il faut en revanche faire intervenir nos amis socialistes : à ces pitreries coûteuses s’ajoutera donc, pour ce nouvel épisode, une communication cacophonique dont le gouvernement est maintenant coutumier.

Selon Europe1, on apprend, de sources gouvernementales plus ou moins en coulisses et de professionnels de l’immobilier de plus en plus déconfits par l’étendue des dégâts, que le gouvernement s’apprêterait à « détricoter » la loi ALUR (expression qu’on retrouvera un peu partout dans le cours de l’après-midi) : officieusement, l’encadrement des loyers serait oublié et la garantie universelle des loyers (GUL) serait réétudiée pour trouver des alternatives. Et pour parvenir à cette entourloupe des familles, il suffirait d’appliquer la méthode habituelle du « votée sans son décret », devenue un grand classique dès qu’il s’agit de faire marche arrière discrètement.

Par un furieux hasard, on apprend à la suite de cette information que finalement, le gouvernement dément officiellement vouloir retoucher à cette magnifique loi. D’ailleurs, Émilie Piette, la directrice du cabinet de la ministre du logement, Sylvia Pinel, l’assure :

« Il n’y a pas de remise en cause de la mise en œuvre de la loi ALUR »

(On admettra bien sûr qu’on la voit mal abonder bruyamment dans le sens d’Europe1, seul le Roi Solex pouvant ouvertement passer pour une andouille sans en subir la moindre conséquence.) Tout comme il semble acquis que la « fuite » vers Europe1 n’en était pas une, et que le démenti n’en est donc pas vraiment un, on peut en tout cas en conclure que cette loi est très mal engagée, qu’elle constitue bel et bien un épieu profondément enchâssé dans l’arrière-train gouvernemental (d’ailleurs dodu), et qu’elle va de toute façon être aussi massivement que discrètement remaniée à coups de non-décrets et de bricolages divers et variés pour en limiter les effets.

L’épisode communicationnel rigolo qui nous a été offert a probablement été conçu pour mesurer les forces en présence et l’étendue des latitudes dont le gouvernement dispose pour charcuter cette loi indigente. Mais apparemment, l’idée même de faire amende honorable et de l’annuler est parfaitement impossible : mieux vaut largement présenter une facture démentielle au peuple français qu’avoir le courage d’admettre son erreur.

Comme je l’ai dit, l’échec est donc connu, son coût est quasiment déjà acté, et la facture, en cours de rédaction, sera envoyée, petit-à-petit, à tous les Français. Bien sûr, on pourrait conclure en disant que ce FAIL pose un marqueur net dans la carrière de Cécile Duflot. Malheureusement, rien n’indique que cet échec gluant soit le seul que la fine équipe en place va nous offrir. La façon dont on enquille doucement le compte pénibilité, qui n’est qu’un exemple parmi d’autres des brillantes idées socialistes appliquées à la couture sociétale et au patchwork citoyen écoconscient, ou les idées quotidiennement navrantes de Montebourg permettent d’affirmer qu’une longue succession de gamelles retentissantes nous attendent dans les prochains mois.

Encore une fois, l’État a tenté de nous aider et s’est donné à fond. Le résultat est terrifiant.

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