Il peut même, aux frontières de son exaltation, défricher des chemins en citoyenneté, comme le firent, au début des années 1980, les joueurs du Corinthians de Sao Paulo. Le grand Socrates et ses camarades avaient pris le pouvoir au sein du club et, dans la nuit noire de la dictature militaire, ils avaient soufflé sur les braises naissantes du feu de la démocratie. Le football n’est pas le sport des peuples pour rien…
Au stade suprême du capitalisme, aucune naïveté pour autant! Nous avons en effet toutes les raisons de nous détourner de ce sport spectacularisé à outrance, soumis aux diktats du monde marchand et à la mainmise écœurante des dirigeants de la Fifa, pour lesquels tout va toujours bien, au Brésil ou au Qatar, lorsque leur pouvoir se capitalise en francs suisses, s’exonérant à bon compte des réalités sociales. Un événement sportif comme la Coupe du monde ne réduit pas les injustices et les inégalités, le Brésil est bien placé pour le savoir. Le football, devenu en quelques décennies l’un des rouages les plus importants de l’industrie mondiale du divertissement financiarisé, est tellement malade de ses excès qu’il a, lui aussi, sombré dans l’obsession permanente de la rentabilité à tout prix. Éric Cantona a dit un jour: «Mon plus beau but? C’était une passe!» Est-il trop tard pour comprendre que cette boutade géniale n’en était pas une?
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 12 juin 2014.]