Votre au Pot aux Bruns !
1 - Un fin lettré au service du pouvoir
Jean-Marie Le Pen, plus vieux politicien français de premier plan encore en circulation, fraîchement réélu au Parlement européen, est sans conteste le plus brillant cumulard - dans le temps - de la République. Il a connu l'Assemblée nationale il y a bientôt soixante ans, dès janvier 1956, comme député de la première circonscription de la Seine, entité depuis longtemps disparue. Il a traîné ses guêtres du Nord au Sud de la France, de conseils régionaux en conseil du vingtième arrondissement de Paris. Il siège depuis quasiment trente ans, à une brève interruption près, à Strasbourg d'où il conspue régulièrement les institutions européennes qui pourtant l’ont si bien et si longtemps nourri. Chapeau l'artiste ! Même Cohn-Bendit a fini par décrocher.
Jean-Marie est également l'auteur d'une des plus brillantes campagnes électorales de la Cinquième République, financièrement parlant : une présence au second tour de la présidentielle de 2002 pour lequel il ne tint qu’un seul meeting à Marseille, l'assistance étant priée au surplus de payer pour acclamer son chef. Ce n'était pas une dilapidation à la Bygmalion, c'est sûr. Les caisses du Front étaient sauves et pleines.
Pendant qu'une foule criait dans Paris sa haine du fasciste, cet avisé gestionnaire de PME familiale poursuivait sa carrière, bourgeois cossu de Saint Cloud. A quoi bon s'être mis à deux, avec Jospin, pour faire la courte échelle à Chirac pour un flamboyant deuxième mandat, si utile à la France ? On l'a reproché à Jospin puis on le lui a pardonné mais on en veut encore à Jean-Marie, c'est insensé.
Et quel talent littéraire ! Un as du jeu de mot. Tout juste regrettera-t-on qu'il ne se soit pas rendu compte que Patrick Benguigui, dont il connaît pourtant la véritable identité sous le patronyme de Bruel, était juif. Cela l'aurait dissuadé de tenir des propos mal interprétés par les nombreux censeurs qui le guettent. Cette ignorance est bien la preuve que Jean-Marie n'est pas un vulgaire antisémite. "Vous êtes juif Benguigui ?" aurait-il pu s'étonner dans un clin d'oeil appuyé au Salomon de Louis de Funès.
La récente clameur va en tout cas permettre à SOS Racisme de reprendre du service judiciaire et de solliciter des subventions auprès des différentes instances dirigées par des socialistes pour financer ses plaintes. Elle a un autre mérite : démontrer l'inanité des lois qui brident la liberté d'expression. Si Jean-Marie était libre de pouvoir crier sa haine des juifs sans avoir à se dissimuler, il n'y aurait plus de scandale depuis longtemps. Son auditoire n'enflerait pas du plaisir de la transgression. On n'entendrait guère ses éructations, perdues au milieu des délires d'autres hurluberlus. SOS Racisme serait bien dépité.
A Jean-Marie, la République des médias et des notables reconnaissante.
2 - Hollande, éléphant socialiste dans un magasin de porcelaines bancaires
Il était si facile et si plaisant à Obama d'expliquer à cet indécrottable "me-frenchie-president" qu’en Amérique on respecte l'indépendance de la justice et qu'il n'entrait nullement dans ses intentions d'intervenir dans l'affaire de l'amende dont est menacée la BNP. Sur le fond, plutôt que de geindre, les Européens feraient mieux de s'attaquer au statut du dollar en s'arrangeant pour que leurs banques l'utilisent moins. Au lieu d'observer la mortelle surévaluation de l'euro sans réagir, la BCE devrait s'employer à faire baisser sa parité avec la devise américaine, quitte à gonfler substantiellement la masse monétaire, ce qui permettrait justement aux établissements européens de trouver les instruments pour se passer du billet vert. Mon petit doigt me dit que cette tactique rendrait rapidement les Américains plus sensibles aux malheurs de la BNP et des autres banques du vieux continent. Mais que nos "amis" d'Outre Atlantique se rassurent : la BCE se préoccupe encore des risques d'inflation ...
3 - Bienvenue au Draghistan !
On pourrait croire pourtant que la BCE va dans le bon sens sur ce sujet. Jeudi 5 juin en effet, Mario Brother a baissé son taux directeur de 0,25 % à 0,15 %, nouveau plancher historique. Il a également rendu négatif (- 0,10 %) son taux de dépôt, qui rémunère les sommes que les banques placent à court terme auprès d'elle. Enfin, il prêtera jusqu'à 400 milliards d'euros aux banques pour financer des entreprises.
« Ces décisions constituent un signal fort et apportent un soutien bienvenu à la croissance en France et dans la zone euro, dans un contexte de consolidation budgétaire », s'est félicité Sapin lors d'une conférence de presse. « Je veux saluer les décisions que la Banque centrale européenne a prises aujourd'hui, baissant les taux d'intérêt et améliorant le financement de l'économie », a quant à lui déclaré Hollande, à l'issue d'un G7 à Bruxelles.
Trop peu, trop tard : telle est pourtant la triste réalité de ces mesures. Face à l'énormité du "quantitative easing" de la Fed ou de la Banque d'Angleterre, il n'y aura pas de quoi faire baisser vraiment le taux de change de l'euro, noeud gordien de notre problème monétaire. Et le crédit aux entreprises, pour peu qu'il soit délivré par les banques, ne soulagera pas le refinancement de la dette de l'Etat.
La seule bonne nouvelle tient à la poursuite du reflux général des taux d'intérêt qui, dans un contexte de surévaluation persistante de la monnaie européenne, risque toutefois de réduire les revenus des épargnants et d'ouvrir une trappe à liquidité de belle facture, conforme aux canons de la théorie monétaire selon Hicks et son fameux modèle IS-LM qui me donna une belle migraine d'étudiant. Sans rémunération, autant garder ses liquidités plutôt qu’investir, les taux ne pouvant que remonter. Bref, le retour de la croissance n’est pas pour demain.
Bah, l'essentiel était de pouvoir pondre des communiqués rassurants, ce n'est pas chose aisée de nos jours.
4 - La Révolution c'est maintenant !
Je vous en reparlerai bientôt mais aujourd'hui sort en librairie un livre que je ne peux que vous recommander : "Français êtes vous prêts pour votre prochaine révolution ?" d’un certain Federbusch, connu pour être un agitateur.
Si vous voulez savoir pourquoi, depuis plus de deux siècles, la France ne se réforme qu'après s'être effondrée, il vous suffira de le lire.
A suivre ...