genre: drame (interdit aux - 12 ans)
année: 2003
durée: 1h20
l'histoire: En ce jour d'automne, les lycéens, comme à leur habitude, partagent leur temps entre cours, football, photographie, potins, etc. Pour chacun des élèves, le lycée représente une expérience différente, enrichissante ou amicale pour les uns, traumatisante, solitaire ou difficile pour les autres. Cette journée semble ordinaire, et pourtant le drame couve.
la critique d'Alice In Oliver:
A l'origine, Elephant, réalisé par Gus Van Sant en 2003, s'inspire d'un fait réel qui a largement marqué les esprits), à savoir la fusillade du lycée de Columbine en 1999, qui eut lieu dans un lycée américain où deux adolescents ont abattu, avec des armes à feu, douze de leurs camarades et un professeur. Mais Elephant s'inspire aussi d'un court-métrage homonyme du réalisateur anglais Alan Clarke tourné en 1989 pour la chaîne BBC. Elephant sera également présenté en compétition au Festival de Cannes et remportera la Palme d'Or et le prix de la mise en scène.
Certes, le titre du film, donc Elephant (au cas où vous n'auriez pas suivi...) peut paraître étrange.
Pour Gus Van Sant, c'est une façon de dire: "« On s'est amusés avec la dimension politique que peut représenter le titre, et donc sa charge satirique envers, bien sûr, l'aspect aliénant du système d'éducation américain. Elephant, c'est ce qui se voit comme le nez au milieu de la figure, mais ce que tout le monde souhaiterait bien occulter. » Pour le reste, inutile de mentionner les acteurs puisque ce sont tous des non-professionnels, donc de parfaits inconnus.
Elephant est souvent associé aux films Gerry et Last Days, également réalisés par Gus Van Sant et considérés comme le deuxième volet d'un triptyque.
Elephant a été élu deuxième meilleur film de la décennie 2000-2009 par les Cahiers du cinéma. Reste à savoir si le film mérite ou non une telle réputation. La réponse est positive, à condition de ne pas voir Elephant comme une oeuvre d'action, une sorte de blockbuster dans la grande tradition hollywoodienne. Le scénario n'obéit pas vraiment à une structure et/ou à un schéma logique et coordonné.
Il s'acharne surtout à décrire le quotidien d'un lycée américain à priori sans histoire et nous présente une multitude de personnages. Via ce procédé, Gus Van Sant cherche à comprendre quelles sont les racines de la violence, et surtout celles qui vont engendrer un véritable massacre.
Aussi est-il nécessaire de rappeler les grandes lignes de l'histoire. Attention, SPOILERS ! En ce jour d'automne, les lycéens, comme à leur habitude, partagent leur temps entre cours, football, photographie, potins, etc. Pour chacun des élèves, le lycée représente une expérience différente, enrichissante ou amicale pour les uns, traumatisante, solitaire ou difficile pour les autres.
Cette journée semble ordinaire, et pourtant le drame couve. L'air de rien, Elephant est un film beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît et passionnant à décortiquer. Au niveau de la mise en scène, le long-métrage fonctionne comme un documentaire.
La caméra de Gus Van Sant suit la vie et le quotidien de plusieurs lycéens. D'ailleurs, les personnages sont le plus souvent filmés de dos. Le cinéaste s'interroge: comment un tel massacre a-t-il pu se produire dans un lycée à priori calme et sans histoire ?
Certes, Gus Van Sant n'apporte pas vraiment de réponse. Il évite les clichés et évite de réaliser un film moraliste et à visée pédagogique. Pourtant, le cinéaste dissémine ici et là de nombreux indices: la violence sur internet, les jeux vidéos agressifs dans lesquels il est question d'extermination massive, l'absence des parents, la vente libre des armes en Amérique et surtout un éducation parentale et scolaire totalement en décalage avec les problématiques adolescentes.
Tous ces thèmes sont-ils à l'origine de la tueurie perpétrée par les deux adolescents psychopathes ? Difficile de répondre en vérité... Parfois, Gus Van Sant a tendance à s'aventurer sur des sujets glissants et peu pertinents. C'est par exemple le cas lorsque le réalisateur évoque (ou plutôt esquisse) le thème de l'homosexualité refoulée. Là sincèrement, je ne vois pas trop le rapport avec le massacre à venir. Toujours est-il que le cinéaste délivre un message qui fait froid dans le dos: certains adolescents font figure de véritables bombes à retardement. Reste à savoir quand et comment ils vont "exploser".
Sur ce dernier point, la mise en scène de Gus Van Sant mérite qu'on s'y attarde.
D'un côté, le lycée est filmé comme une sorte d'établissement fantôme, aux couloirs vides et désespérément tristes. De l'autre, le lycée ressemble paradoxalement à une sorte de jungle, dans laquelle chaque adolescent est livré à lui-même et finalement enfermé dans sa bulle.
D'ailleurs, chaque séquence se termine toujours de la même façon: on voit un personnage sortir par une porte et disparaître comme un fantôme. Indéniablement, Elephant a une vraie tonalité morbide et funéraire. Dès le début, le drame est annoncé. Selon Gus Van Sant, il est même inéluctable mais profondément enraciné dans un profond mal-être et dans un silence ambiant.
Bref, un tel film mériterait sans doute un meilleur niveau d'analyse, mais ne l'oubliez pas, vous êtes sur Naveton Cinéma.
note: 18.5/20