L'économiste Milton Friedman, lauréat du prix Nobel, disait que « la meilleure façon pour résoudre les problèmes consiste rendre politiquement profitable pour les mauvaises personnes de faire la bonne chose ». Cette déclaration résume bien ce que la campagne #BringBackOurGirls tente d'accomplir. Quand les filles seront enfin secourues, le gouvernement nigérian est susceptible de devenir lyrique sur son engagement pour la sécurité nationale, mais rappelons que ce fut le même gouvernement qui a choisi le silence quand il fallait agir.
La plupart des Nigérians ont eu peu ou pas confiance dans le gouvernement, lequel a peu fait pour inverser cette réalité. La débâcle entourant sa réaction, ou l'absence de celle-ci, suite à l'enlèvement par Boko Haram de quelques 276 jeunes filles du lycée public de Chibok à Borno, au nord-est du Nigeria, souligne une nouvelle fois cette triste vérité.
Soyons clairs : le gouvernement nigérian n'aurait jamais fait quelque chose à propos de ce crime odieux. Les filles ont été enlevées le jour même (le 14 Avril) où le parc Nyanya a été bombardé à Abuja, la capitale fédérale du Nigeria. Dès le lendemain, le président, le Dr Goodluck Jonathan, semble avoir digéré assez rapidement les deux catastrophes au point d’être photographié à Ibadan, capitale de l'Etat du sud-ouest d'Oyo, et assister à des célébrations d'anniversaire du Seigneur d'Ibadan, un haut chef traditionnel là-bas.
Pour souligner le miracle de son rétablissement, le président Jonathan, dans sa réaction manquant habituellement de tact aux questions critiques de la sécurité nationale, a été aperçu en train de danser lors d'un rassemblement de campagne à Kano, à environ 200 km de l'endroit où les filles avaient été enlevées. Il n'y avait pas de déclaration ou toute autre réaction relatives aux jeunes filles disparues.
Il était si triste d'entendre un parent de l'une des filles raconter l'attaque juste après son arrivée. Selon lui, les parents ont eu des appels de téléphone de villageois qui ont vu le convoi de Boko Haram transporter les filles dans leurs villages. Le mouvement des ravisseurs a été apparemment suivi, et les résidents Chibok ont appelé à l'aide l'appareil de sécurité du gouvernement nigérian. Mais - scandaleusement - aucune aide n'était apportée.
Bientôt vint le rapport de l'armée nigériane déclarant que les filles avaient été sauvées. Mais cela s'est avéré être un mensonge plat, et l'armée s’est ensuite rétractée. Tout ce qui s'est passé à la suite des enlèvements indiquait que le gouvernement nigérian n’avait pas envie d’être lui-même mêlé à l'épreuve de sauvetage des filles. Il faut être reconnaissant pour les cris insistants des Nigérians sur les médias sociaux et l’adoption par les médias internationaux de la campagne #BringBackOurGirls.
Cela a tout changé. Le gouvernement est apparu rapidement se réveiller de son sommeil habituel et abandonner sa pensée habituelle à « l’intérieur de la boite ». Mais l’a-t-il fait vraiment? Le président Jonathan a mis en place une commission de « recherche des faits ». C’est hallucinant que ce ne soit que deux semaines après les enlèvements, que le président prenne enfin à cette initiative!
Pour ne pas être surpassée, la Première Dame Patience Jonathan vit soudain une occasion pour faire son apparition sur les médias, elle a retrouvé de la voix, et est devenue "Superwoman", très intéressé par les filles enlevées. Elle avait absolument rien fait pendant deux semaines, jusqu'à ce que la lutte pour les filles est devenue un problème mondial.
Pourtant, mieux vaut tard que jamais. Tout ce qui pourrait aider à sauver les jeunes filles devrait être tenté. Ce n'est pas le moment pour le blâme. Pour l'instant, tout ce qui peut être fait pour sauver les filles de Chibok doit être fait. Chaque bruit, chaque tweet, chaque émission, et tous les efforts nécessaires pour s'assurer que le gouvernement nigérian comprenne avant la tâche qu'il doit livrer, sont les bienvenus.
À ce stade, il faut comprendre que le Nigeria a un gouvernement qui doit être contraint à s'acquitter de ses responsabilités, parce que tant que l'obsession autour des élections au Nigeria en 2015 persiste, les Nigérians n’auront pas bientôt quelque chose qui ressemble à une bonne gouvernance. Cela est dû au fait que, plutôt que de répondre aux besoins des citoyens afin de gagner leurs votes, le gouvernement croit que mettre l'accent sur les affiches électorales et les publicités télévisées sera suffisant.
Avant que le magazine The Economist ait qualifié le président nigérian d’incompétent et d’insensible, avant que CNN ait décidé de traiter cette question avec toute l'attention qu'elle mérite, et avant que les gouvernements américain, chinois britannique et français se soient impliqués, les Nigérians ordinaires ont commencé sur les médias sociaux à appeler à #BringBackOurGirls. Cela démontre que le changement doit partir des citoyens. Les Hashtags peuvent sembler ordinaires et sans conséquence, mais la campagne #BringBackOurGirls montre que lorsque l'activisme en ligne est soutenu par des engagements hors ligne, le changement peut être mis en mouvement.
La plupart des Nigérians souhaitent que l'aide de gouvernements étrangers ne soit pas nécessaire pour le sauvetage des filles de Chibok. Mais il est largement admis que l'armée nigériane n'est pas à la hauteur. Chaque jour qui passe, le gouvernement nigérian continue à faillir à son devoir le plus essentiel, à savoir la sauvegarde des vies et des biens. Un échec qui continuera à peser lourd est l'enlèvement continu des citoyens dans le nord-est par Boko Haram, même si les filles de Chibok restent avec des terroristes fous qui n'accordent pas de valeur à la vie humaine. On peut seulement espérer qu'un jour, tous les efforts via #BringBackOurGirls donneront le résultat souhaité, à savoir le sauvetage des filles enlevés de Chibok.
Japheth J Omojuwa, directeur du projet Africanliberty.org - Traduction réalisée par Libre Afrique - Le 11 juin 2014