La confusion des peines ou le cri d'amour d'une fille, Laurence, à son père, encore vivant, qui ne voulait pas qu'elle écrive ce livre, qu'elle dévoile leur intimité...Mais ce n'est pas l'intimité qui interpelle le lecteur, c'est le silence et la honte qui ont entouré les relations de cette famille pendant des années et qui ont ligoté, réduit la vraie, la profonde, la pure relation d'amour d'une fille avec son père. Alors Laurence raconte comment elle voyait son père, petite, cet être qu'elle idôlatrait mais qu'on ne pouvait trop approcher. Cet homme au regard clair, grand, en costume, à responsabilité au sein d'une grand entreprise, cet homme que tout le monde tient pour un homme droit, sain, va être condamné pour une affaire de corruption à 24 mois de prison dont 6 fermes. La même année, la mère de Laurence s'en va en quelques mois, victime d'une tumeur cérébrale. C'est alors tout le monde de l'enfance, doux, cotonneux, idéalisé qui s'écroule mais on n'en parle pas, ah ça non, pas dans cette famille, pas avec ce père, on sauve les apparences...pendant 10 ans...des années qui ont peu à peu enfermé la relation fille-père dans un silence trop épais que Laurence, avec beaucoup de courage, d'espoir, d'amour essaie de désamorcer avec ce livre.
"Voilà pourquoi, aujourd'hui, je prends la parole. Contre ton autorisation, je prends la parole. J'ai trente-sept ans et pour la première fois de mon existence, je fais quelque chose que tu m'as priée de ne pas faire. Je prends la parole parce que je ne peux pas faire autrement. Je prends la parole pour reprendre mon souffle."
Je n'y vais pas par quatre chemins, j'ai adoré et dévoré ce livre. Le style de Laurence Tardieu est juste sublime, clair, profond, sensible, plein d'émotions. Je la lis, je comprends tout, ça me touche directement, ça m'emporte. Les relations sont passées au scanner par les émotions de l'auteure. Avec beaucoup de réalisme également, elle décrit le monde de l'entreprise, s'imaginant que son père lui dira qu'elle n'y connait rien, que ce n'est pas comme ça...et pourtant j'ai tellement retrouvé de phrases, de personnalités de l'entreprise que je vis aujourd'hui. Dans ce livre Laurence court après l'amour de son père, espère que ce livre fera le coup d'éclat attendu, et à d'autres moments désespère et imagine qu'au contraire, ce livre va rompre tout lien. J'ai également beaucoup aimé la partie où l'auteure décrit les moments qu'elle passe en prison à faire la lecture à des femmes.
"Il n'y a que dans les contes que tout se finit sans accroc. La vie, elle, laisse des traces"
Ce roman est autobiographique, je me suis imaginée être le père de Laurence, recevoir ce livre. J'aurais été touché par cet amour si manifeste, j'aurais été destabilisé aussi car beaucoup de vérités sont posées, cash, comme cela...mais au fond quel courage ! Il y a tant de familles qui taisent les relations, les sentiments les plus profonds et c'est aussi pour cela que ce livre mérite d'être lu, pour prendre conscience du mal que les silences instaurent dans les relations.
"N'est-ce pas en ça que le silence est plus effrayant que n'importe quel aveu? On s'y enlise mais on n'en a pas conscience. On se noie sans le savoir. Car il nous enserre, nous pénètre, et on ne le sent pas, on continue à vivre tandis qu'il prend possession de nous, tandis qu'il nous étouffe."
Un coup de coeur absolu, pour un texte précis, concis, poignant, sensible...et un titre ô combien révélateur post-lecture.
"Combien de vies dans une vie?"