J'ai acheté ce livre à cause/ grâce à la couverture. C'est la première fois que cela m'arrive. On ne le répètera jamais assez: tout ce qui brille n'est pas toujours de l'or! Il ne faut pas s'arrêter à l'apparence! bla bla bla.
Je suis têtue. Je fais ce que je veux. La belle couverture de mon roman au titre un peu fantasmatique n'est qu'une jolie coquille VIDE. C'est bien écrit, c'est intelligent mais prétentieux à l'excès: on a l'impression que l'auteur se regarde écrire en nous balançant sa science infuse.
L'histoire:Virgile reçoit un message sur son répondeur de Clara qui lui annonce qu'elle le quitte.
Il est déboussolé. Par la rupture, bien sûr; mais surtout parce qu'il ne connait pas cette Clara. Il en parle à sa psychanalyste qui lui confirme que l'erreur est peu probable car effectivement Virgile n'est pas un prénom courant. Il va se mettre à la recherche de ses souvenirs en dépit du fait qu'il est persuadé qu'il s'agit d'une mauvaise blague jusqu'à ce que ses amies l'appellent tour à tour pour le réconforter de cette rupture amoureuse. Toutes en ont eu vent même si lui ne se souvient pas de cette femme.
Il tente en vain de braver l'amnésie bituresque en questionnant ses amies, à la recherche d'indices lui permettant de remettre une image, un passé commun sur ce prénom et cette voix. Il va aussi lutter contre le désespoir en alternant alcool et anxiolytiques.
Notre personnage est bel et bien un enfant du siècle représentatif du mal contemporain: la morosité.Cette déchéance mémorielle l'inquiète et va fomenter une hypocondrie grandissante: il sent qu'il est atteint d'une tumeur au cerveau et qu'il va mourir incessamment sous peu. Du coup, il démarche tous les organismes (électricité, logement, téléphonie) pour les prévenir qu'il va mourir. Il programme sa mort en bonne et due forme. J'avouerai que c'est très drôle et cela m'a fait penser à Woody Allen dans le film Hannah et ses soeurs, qui se sent mourir au moindre problème organique.Hypocondriaque, Calogero.
Les résultats du scanner tombent comme un couperet: il n'a rien. Il va bien, ce qui le fait aller instantanément, plus mal.
"Quand on craint le pire, la simplicité de l'annonce d'une bonne nouvelle est décevante."
Et puis, finalement, il reprend goût à la vie, comme si on lui avait offert un seconde chance. Cela sent le Paulo Coelho et son roman Véronika décide de mourir.."En croyant perdre la vie, il avait, temporairement, perdu le monde. Il le retrouvait plus présent qu'avant, plus vrai et plus beau. Le passage par le scanner avait agi comme une couveuse pour le prématuré qu'il était depuis trente et un ans. Il avait pris des forces, son système immunitaire s'était consolidé, ses sens avaient gagné des cellules nerveuses."
La quête de cette inconnue qu'il a pourtant connue va être son moteur, sa raison de se lever chaque matin et d'exister. Il va partir à la recherche d'une image, d'un corps, d'une personnalité car ce qu'il sait d'elle à présent: c'est le ton et le son de sa voix.C'est justement le manque d'informations et de connaissancces qui permet la formation du fantasme. Il "tombe amoureux" de la voix d'abord puis de l'image imaginée de cette femme.
C'est l'idée même de la rupture, de la perte de cette autre qui va engendrer la volonté de Virgile de la (re)conquérir. C'est l'absence qui crée le désir. Il faut avoir perdu quelque chose ou quelqu'un pour que naisse la folle envie de le/la récupérer.
"J'ignore si elle est grande, petite, je ne connais pas la couleur de ses yeux, ni ses opinions politiques. Je ne sais pas si elle va voir des vieux films, si elle lit, quelle musique elle écoute. Mais j'aime la manière dont elle parle, j'aime le ton de sa voix."
On l'aura compris: Virgile est un handicapé de l'amour. Il est même persuadé que ses échecs sentimentaux trouvent leurs origines dans son enfance durant laquelle il a été confronté à un couple parental des plus heureux et des plus amoureux malgré le symbole fort de leurs professions...Son père était lanceur de couteaux dans un cirque et sa mère était "la cobaye". Pascal Obispo, Le lanceur de couteaux
De tout cela, on en retire quoi? L'histoire est sympa mais elle aurait dû être écrite avec la personnalité de l'auteur et non à partir de morceaux épars de ses prédécesseurs.
On a un discours obsolète sur la publicité et la société de consommation: Beigbeder l'a fait avant lui et en mieux avec 99francs.
De même, il veut faire du Woody Allen mais il a moins de moyens et beaucoup plus de limites. Il "mange à tous les râteliers" sans faire preuve d'originalité.
On a affaire à un roman-patchwork composé d'idées générales appartenant à des génies qui ont fonctionné mais qui, ici, font tache. Il s'inspire beaucoup, copie énormément mais cela reste une version édulcorée de ses modèles. C'est un ersatz de Frédéric Beigbeder, de Woody Allen, des modernistes.
L'auteur saupoudre son récit d'éléments pseudo-gauchistes, pseudo-révolutionnaires pour lui donner une contenance critique et cynique et se donner des grands airs de poil à gratter:
"regardez comme j'ai un regard cynique sur la société! Observez-moi critiquer de façon virulente la société dans laquelle vous autres petits minables vivez! Contemplez mon art, admirez ma plume acerbe! Admirez-moi!" (semble nous dire l'auteur!)
C'est mégalo, fat, satisfait, sans recul et ça dégouline de prétention; ça transpire de narcissisme et de suffisance.Au final, ce sont juste des remarques à l'emporte-pièces qui font la blague deux secondes. Par pincée, on a des éléments pseudo-intellectuels et philosophiques à deux balles qui sont comme autant de marques de pédantisme et de snobisme. Voilà, le mot qui qualifie le mieux ce roman, c'est SNOB. Juste SNOB!
Comme je l'ai dit, il y a peu à un élève imbu, il faut savoir être à la hauteur de sa prétention... On a quand même de grosses incohérences qui décrédibilisent totalement cet imbu imbuvable: le personnage est censé se retrouver sans électricité; pourtant, sa télévision fonctionne. Plus fort encore, il branche son répondeur, et il fonctionne malgré l'absence d'électricité. Au final: bon ou mauvais?C'est un bon roman, plutôt bien ficelé, avec une histoire intéressante, un style fluide et agréable... MAIS l'excès de snobisme intello démesuré et la pale imitation artistique m'ont véritablement agacée. La fin est mauvaise, très mauvaise: c'est con, bâclé et sans intérêt.