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Brian K. Vaughan et Fiona Staples – Saga (Tome 3)

Par Yvantilleuil

Brian K. Vaughan et Fiona Staples - Saga (Tome 3)Ce troisième volet qui reprend les épisodes #13 à #18 permet de découvrir la suite de cette excellente série imaginée par Brian K. Vaughan (Y, le dernier homme, Pride of Baghdad ou Ex Machina). Après un petit détour par la série télé « Lost », ce dernier revient sur le devant de la scène avec un space opéra particulièrement jubilatoire.

Pour rappel, Saga invite à suivre les déboires d’un couple d’amoureux, issus de planètes ennemies et en guerre perpétuelle. Marko, notre Roméo cornu originaire de la planète Couronne, vit donc d’amour et d’eau fraîche en compagnie d’Alana, sa Juliette ailée issue de Continent. Au centre des débats (et à la narration), le lecteur retrouve bien évidemment la petite Hazel, fruit de leur amour interdit. Cette progéniture, issue de deux espèces qui sont en guerre depuis la nuit des temps, n’est cependant pas vue d’un bon œil par les peuples respectifs et se retrouve du coup pourchassée dès sa première bouffée d’air. La vie de couple n’est déjà pas un long fleuve tranquille, mais quand on est pourchassé par les pires tueurs professionnels de la galaxie, que les beaux-parents surgissent à l’improviste, que la baby-sitter est un fantôme et qu’une ex montre le bout du nez… il faut être sacrément balèze pour que l’amour survive !

La fin du tome précédent abandonnait d’ailleurs nos deux jeunes parents en bien mauvaise posture, cachés dans le grenier du romancier D. Oswald Heist, au moment où ce dernier se faisait interroger par le Robot Prince IV, l’un des tueurs lancés à la poursuite des deux fugitifs. Sans oublier que les deux autres assassins, le Testament et Gwendolyn, ne devraient pas tarder à mettre fin à leur escale forcée pour également rejoindre la planète Quiétus…

Malgré la menace qui pèse sur nos amis, Brian K. Vaughan décide cependant de leur offrir un moment de répit après cette course-poursuite dans l’espace. A l’aide de flash-backs, il revient en effet sur la rencontre entre le couple et cet écrivain, dont le roman changea leur vie. Ces retours en arrière permettent non seulement d’en apprendre plus sur la semaine qui a précédé cette confrontation entre le romancier et le Prince Robot, mais donne aussi beaucoup de profondeur aux différents protagonistes. L’auteur donne donc le temps à ses personnages pour digérer les évènements tragiques des tomes précédents. Il y a d’une part le deuil de Marko et de sa mère, mais également celui du Testament, qui souffre de la perte de son aimée La Traque. Il y a ensuite les relations naissantes entre la mère de Marko et l’écrivain D. Oswald Heist, ainsi qu’entre le Testament et Gwendolyn. Il y a finalement la présence de nouveaux personnages, dont les deux reporters gays, Upsher et Doff, qui ont flairé le scoop au sujet de l’histoire de Marko et Alana. Soignant l’évolution psychologique de ses personnages, Brian K. Vaughan parvient à les rendre tous attachants et livre une véritable petite pépite au niveau de la caractérisation.

En multipliant les planètes et les espèces, l’auteur offre une lecture très diversifiée et une galerie de personnages extrêmement riche et parfaitement exploitée. Il y a tout d’abord nos trois héros qui permettent d’installer une histoire d’amour digne de Roméo et Juliette, mais qui insufflent également une touche familiale très attendrissante au récit. Il y a ensuite une panoplie de créatures étranges à l’aspect surprenant, mais aux sentiments souvent très humains. Ce décalage entre la nature des personnages et leur physique constitue également l’un des grands attraits de la série. Du Prince-Robot à la tête en forme de télé aux surprenants mercenaires (La Traque et Le Testament) lancés à la poursuite du couple, en passant par des requins volants, une planète-fœtus, un écrivain cyclope, l’excellente trouvaille du chat-mensonge ou les Horreurs, représentées par la très attachante Izabel, l’auteur s’en donne à cœur joie et multiplie les bizarreries au fil des tomes. D’excellentes trouvailles, qui donnent parfois lieu à quelques scènes vraiment énormes !!!

Si cet ovni mélange avec brio space opéra, romance, chronique familiale, géo-politique, comédie, aventure, sexe, horreur, violence, chasse à l’homme, drame, action, science-fiction et magie, l’autre grande force du récit sont les dialogues. Ceux-ci sont une nouvelle fois d’un naturel extraordinaire et débordent d’humour. Le choix de Hazel en tant que narratrice du récit fonctionne à merveille, surtout que cette dernière revient sur les événements avec un certain recul et beaucoup de cynisme. Ajoutez à cela le langage espéranto utilisé par les luniens et la capacité de Vaughan à aborder énormément de thèmes sensibles en toute décontraction, sans alourdir le récit, et vous obtenez un véritable tuerie qui gère de surcroît l’art du cliffhanger avec énormément de maestria.

Visuellement, le graphisme de Fiona Staples continue de fonctionner à merveille. La dessinatrice canadienne donne non seulement vie à des créatures loufoques au look très réussi, mais parvient surtout à mettre les délires du scénariste en images avec beaucoup de savoir-faire et d’esthétisme. À l’aide d’une colorisation qui accompagne toujours parfaitement le ton du récit, elle contribue aussi à installer une ambiance toujours adéquate. Elle offre également un découpage efficace qui rend la lecture très fluide et qui incite à tourner les pages à grande vitesse.

Absolument incontournable !

Retrouvez d’ailleurs cet album dans mon Top de mois, ainsi que dans mon Top de l’année !

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