BARNABÉ BINCTIN (REPORTERRE) mardi 10 juin 2014
La semaine dernière se tenait à Paris puis à Saclay une journée de promotion de l’énergie nucléaire. Avec en point d’orgue, la présentation du prochain salon du Bourget du nucléaire, la « World Nuclear Exhibition ». Reporterre raconte.
La conférence de presse a d’abord présenté la « World Nuclear Exhibition » (WNE), ou Salon mondial du nucléaire en français, qui se tiendra du 14 au 16 octobre au Bourget (Seine-Saint-Denis). Première édition d’un événement appelé à devenir biennal, ce « Bourget du nucléaire » se veut un grand salon d’affaire pour industriels et prestataires de la filière nucléaire. Pour Laurence Gaborieau, responsable pour Reed Expositions de l’organisation du salon, « les table-rondes et les débats seront en nombre limités, car il s’agit d’abord d’un salon orienté business avec un visitorat professionnel, international et hautement qualifié ».Le président du WNE, Gérard Kottmann, par ailleurs président de l’AIFEN(Association des industriels français exportateurs du nucléaire), justifie la tenue d’un tel salon : « Il y a deux légitimités à organiser ce genre d’événement. Il faut un marché, d’abord. Or, avec 434 centrales en fonctionnement dans le monde et 287 nouvelles tranches d’ici 2030, le nucléaire correspond au challenge énergétique du XXIe siècle, d’autant plus qu’un milliard d’êtres humains dans le monde n’a aujourd’hui aucun accès à l’énergie. Il faut ensuite que le pays-hôte justifie d’une industrie nationale compétente et experte. La France a cette légitimité, puisqu’elle est un cas unique au monde de maîtrise de l’ensemble de la chaîne de valeur, de la matière première jusqu’au traitement des déchets, avec une réputation reconnue en matière de gestion des centrales grâce à l’ASN [Autorité de Sûreté Nucléaire, ndlr] dont l’indépendance est célébrée partout dans le monde ».
Ce « Bourget du nucléaire » s’inspire du succès de son homonyme aéronautique : « La comparaison est inévitable. Mais il est illusoire de croire qu’il y aura autant de contrats signés. On ne vend pas un réacteur comme on vend un avion. Il s’agira plutôt de multiplier les contrats pour les petites et moyennes entreprises » explique Gérard Kottmann.Mais Le Bourget est aussi le lieu qui accueillera la prochaine conférence du climat en décembre 2015. Reporterre interroge les responsables à ce sujet :« Comment vous positionnez-vous par rapport à cette COP 21 qui se tiendra, un an plus tard, au même endroit ? ». Malaise à la tribune, les protagonistes se regardent. « La quoi ? » nous fait-on répéter. « Ah, le truc sur l’environnement »comprend l’un des organisateurs, qui finira par répondre que le nucléaire, « en tant qu’énergie décarbonnée », s’intéresse de près aux enjeux climatiques.
Mais toutes les questions ne trouveront pas réponse. Il en est ainsi du budget et du financement du Salon. « C’est privé. Mais pour notre première édition, nous préférons garder notre modèle économique secret » répond l’un des organisateurs, qui admettent qu’ils n’ont pas, seuls, la capacité d’assumer financièrement le risque de l’organisation d’un tel événement. Y a-t-il un financement public ? « Non, ce sont uniquement des fonds privés » répondra celui qui, plus tôt dans la conférence de presse, affirmait « avoir bénéficié dès le début du grand soutien des ministres du Redressement productif et du Commerce extérieur, rejoints plus tard par le ministre des affaires étrangères ».Tandis que dehors se tient une petite manifestation orchestrée par Edouard de Fission dit « Eddie », un personnage fictif et satirique visant à dénoncer les mécanismes de capture du pouvoir par les lobbies énergétiques et industriels, un journaliste interroge sur le risque de manifestation. Cette fois, la réponse est plus explicite : « Nous travaillons avec la DCRI et la Préfecture de police afin que ce salon permette de travailler tranquillement ».L’impossible dénucléarisation de la France ?
La journée se poursuit par la visite de deux installations de haute-technologie sur le site du CEA de Saclay. Le mur d’images 3D, qui permet des simulations numériques, et le programme LECI, destiné à l’étude des matériaux et combustibles nucléaires, témoignent des réussites de la politique R&D (recherche et développement) menée aujourd’hui dans la filière nucléaire.
Source et photos : Barnabé Binctin pour ReporterreConsulter aussi le Dossier : Peut-on sortir du nucléaire ?