A la veille de la Première Guerre mondiale, l’aéronautique balbutie encore et est bien souvent l’affaire de doux dingues avides de sensations fortes. C’est d’abord un sport, dont les exploits, les défis et les records sont relayés par la presse, y compris la mauvaise presse, comme c’est aujourd’hui le cas du fort réac’ (et, souvent, franchement nauséabond) Le Matin.
Un défi a été lancé aux aviateurs : réaliser un tour de France en partant d’un aéroport proche de Versailles, y revenir le plus vite possible après avoir parcouru 3000 km, ce qui représente "la distance qu’il y a de Paris au Cap Nord", et être passé par des aérodromes bien précis, visibles sur la carte ci-contre, illustrant l’article du Matin du 10 juin 1914. A la clé pour le vainqueur : la somme rondelette de 20 000 francs.
L’aviateur GILBERT est le premier à relever le défi, en un peu plus de 39 heures, dont 10 heures d’arrêt (7 pour dormir et se sustenter, à Mirande, 3 pour ravitaillements). Au final, la vitesse moyenne de l’aéroplane fut de 107 km/h.
En page 3 du quotidien, GILBERT fait part de ses impressions. Il y eut ainsi beaucoup de nuages (à peu près toutes les 20 minutes) et il traversa la grêle et la pluie : "l’hélice, tourbillonnant dans cette eau glacée, en porte encore les traces". L’aviateur a été littéralement bluffé par la beauté des paysages survolés "lorsque le soleil se montrait" : "la Méditerranée que je voyais bleuir au loin, les Pyrénées coiffées de neige, l’océan pailleté", etc.
Pour tracer sa route, façon marin en plein océan, GILBERT disposait "de 15 mètres de cartes [qu'il déroulait] au fur et à mesure que le sol s’enfuyait sous l’appareil". Il reconnait aussi que les repères étaient bien balisés et que, "pour la première fois, on a fait un règlement intelligent". Enthousiaste, il conclut : "le pays de France en aéroplane : voilà donc l’idéal !".