Penser l’humanitaire

Publié le 19 mai 2008 par Jcgbb

Qu’est-ce que l’humanité ? Pourquoi apparaît-elle souvent comme la vertu de quelques-uns et non comme une propriété commune à tous ? Par exemple l’entêtement de la junte birmane est inhumain, alors que le dévouement des secours humanitaires semble profondément humain. Quel est donc le sens de ce mot ?

Selon une approche biologique, les êtres humains qui peuplent la Terre sont une espèce parce qu’entre eux la reproduction est possible. Ainsi l’humanité est-elle un certain groupe à l’intérieur du règne animal. Mais l’espèce humaine ainsi définie n’est pas encore ce que plusieurs langues nomment le genre humain. L’unité de reproduction ne lui confère en effet aucun privilège, mais souligne son animalité première.

Or si l’humanité n’était qu’une espèce naturelle, on ne saisirait pas le sens de la mission humanitaire. Appartenir à une même espèce n’oblige pas à viser le bien de cette espèce, ni à se penser solidaire de l’humanité aussi bien passée que future. L’appartenance biologique n’est ni un motif d’action, ni un gage de reconnaissance ; elle n’exclut pas plus la cruauté que l’indifférence.

L’humanité n’a de réalité que dans la mesure où je m’oblige à reconnaître les autres hommes comme mes semblables et à ne pas attenter à leur dignité. Cette reconnaissance ne requiert pas de savoir grand chose de la biologie, car elle n’est pas un savoir, mais un devoir. En ce sens, l’unité du genre humain — par l’aide humanitaire, le droit international, l’hospitalité universelle — n’est pas un fait, c’est une tâche à réaliser à travers la suite des générations.

Ainsi Kant soutenait-il que l’humanité est une idée pratique : elle ne dit pas ce que sont les hommes, mais comment je dois me conduire à leur égard. Je suis homme : cette formule résume tous mes devoirs, de bienfaisance et de justice ; elle ne décrit pas ce que je suis par nature, elle prescrit ce que j’ai à faire par liberté.