Depuis que je vis avec le Chevalier, mon rapport à la musique a véritablement changé : en effet, je me fais carrément des sessions d’écoute de disques entiers des années 1960 à 1990 – essentiellement de la brit-pop, du punk et de la nu-sound. Mais mon cher et tendre, en grand malade, peut avoir plusieurs versions d’un même album. Vous rigolez, vous rigolez, mais effectivement, quand on fait de l’écoute comparative, outre le fait qu’on découvre plusieurs morceaux en un (Tiens, je ne m’étais pas aperçu de cette petite boucle de batterie dans ce que j’avais l’habitude d’écouter…), on découvre de nouvelles sensations d’écoute : le son paraît plus léger, ou plus lourd, plus enveloppant ou plus évanescent…
Autre chose que le Chevalier me refait découvrir : la comparaison entre les vinyles pressés d’époque et les vinyles nouvellement mixés ou remasterisés. J’ai fait un comparatif avec le vinyle de La Fiancée, que j’avais reçu en 2010 () et Boys don’t cry de The Cure qui date de 1980. Une chose m’a frappée : en fait, maintenant que mon oreille est habituée par 25 ans de numérisation et de son lissé, je trouve que le pressage vinyle anté- numérisation est absolument crade. Quand j’étais petite, cela ne me gênait absolument pas, dans la mesure où le son n’était restitué que comme ça (même si mon parrain, en bon hipster de l’époque, a ramené une platine CD Sony dès 1983 du Japon, sauf qu’il n’avait que très peu de son qui allait avec). J’ai commencé avec les CD avec ma sœur vers 1991. Et depuis, je ne réécoutais quasiment plus de vinyle. Par conséquent, en réécoutant Boys don’t cry ce matin, j’ai eu l’impression à la fois de retrouver une Madeleine de Proust (parce que, malgré tout, le pressage vinyle anté-CD a un son qui ne s’oublie pas) et un véritable cauchemar auditif (idem).
Toute cette exégèse autour de chansons m’a donné l’idée de faire un petit test de l’été pour savoir quelle écoute vous convient. Mais avant, lisez ce précis comparatif :
Vinyle
*Attention, quand je parle de vinyle, je parle du pressage anté-CD. La remasterisation et le pressage vinyle d’albums auparavant édités en première pression en CD n’a aucun intérêt, dans la mesure où c’est un son numérique et non analogique qui est restitué. Vous voilà prévenus, bande de hipsters.*Impression générale : Le son a l’air étouffé par des *krrr krrr*. Ceci est dû justement au support vinyle qui, parfois, n’était pas d’excellente qualité, dans la mesure où lorsque le support était recyclé, on pressait tout dans la pâte vinyle y compris les ronds centraux. Par conséquent, le support, comme le son, n’était plus « pur ». Et puis qui voudrait encore mixer en analogique en 2014 ?
Avantages : le son est super vintage et ça peut rappeler des souvenirs aux plus âgés de mes lecteurs.
Inconvénients : le son est sale et ne restitue pas certains détails que la restitution numérique met en valeur. Autre inconvénient de taille : on a l’impression que ses baffles implosent de l’intérieur.
Mix mono
Jusqu’à la fin des années 1960 et la généralisation des mixages analogiques en stéréo de qualité – et ce grâce au mouvement psychédélique qui a permis le développement des mixes stéréo qui permettaient alors de jouer sur la diffusion du son, permettant une autre qualité d’écoute –, les mixes mono étaient la norme, y compris pour la radio. Il n’y avait qu’un seul canal d’enregistrement pour toutes les parties d’une chanson (d’où mono) et on n’avait pas encore conscience que l’on pouvait restituer le son de manière diffuse. Fun fact du Chevalier : Pet Sounds (1967) des Beach Boys a été mixé en mono (alors que la norme américaine était en stéréo) parce que Brian Wilson, qui a perdu l’audition d’une oreille, s’est occupé du mix de l’album.Impression d’ensemble : on a l’impression soit de se prendre le son en pleine face (du fait d’un aspect monolithique), soit d’avoir un son tout plat, sans relief.
Avantage : quand une enceinte pète, au moins, tu as toutes les parties de la chanson.
Inconvénient : si la chanson n’a pas de relief au départ, t’as l’impression de te faire chier. Si au contraire c’est une chanson remplie de nuances, tu te prends tout dans la gueule et ça peut perturber (en tout cas, perso, un comparatif sur Tomorrow Never Knows m’a permis de comprendre tout ce que le mix mono peut avoir de perturbant quand on ne met pas le relief en valeur).
Mix stéréo
C’est le mix le plus commun aujourd’hui, parce que le dolby surround, n’est pas encore la norme en termes de mix musical, ni même la quadriphonie – comme le fait si bien remarquer le Chevalier, nous n’avons pas quatre oreilles. Au lieu de faire un bloc avec tous les éléments, ils sont répartis sur plusieurs canaux (en général, deux), afin de donner de la profondeur à l’écoute. Même maintenant, ça ne te viendrait même pas à l’idée de mettre ta chaîne en mono, sachant que tu vas perdre certains éléments de la chanson, en témoigne ta rage quand un de tes écouteurs d’iPhone pète.Impression générale : Le son est diffus. Par conséquent, lorsque le mix stéréo est « foiré » (c’est-à-dire comme on mixait au début de la stéréo, à savoir un canal pour les voix et un autre pour les instruments), l’impression de profondeur est biaisée. La musique psychédélique de la fin des années 1960 a eu ceci de bon que la répartition du son sur les différents canaux s’est fait de manière plus efficiente, afin de retranscrire véritablement la volonté de profondeur des plus grandes œuvres des années hippie. Le Chevalier rajoute : Hendrix en mono n’aurait pas de sens.
Avantage : pour peu qu’on ne souffre pas de problèmes auditifs, la restitution stéréo est proche de l’audition réelle.
Inconvénient : quand on est habitué à analyser ce qui passe par la tête, et que le mix est assez bien fait pour que tu ne saches pas si le son vient dans l’oreille gauche ou de la droite, ça peut vite te taper sur le système.
Live
C’est la restitution réelle de la musique (sauf quand tu assistes à un mix, et ça, à part si t’es là pour danser, c’est un peu ballot). Tu t’attends quand même à ce que, même si les amplis sont mal réglés, à kiffer ta race. Sauf si pour toi, l’importance n’est pas le musicien, mais la musique elle-même.Avantage : en théorie, pas d’autotune ni d’ajout un peu zarbi, le mec est obligé de balancer tout ce qu’il a dans le ventre pour épater le public.
Inconvénient : on sait de suite ce que la musique vaut sans filtre.
Et maintenant, quelle version sonore à accorder à votre vernis tangerine cet été ?
1 – Une enceinte vient de rendre l’âme
A – Je me disais que le son était moins suédé, d’un coup.
B – Ah bon ?
C – Je pensais que c’était un instrumental.
D – J’espère que la pluie ne va pas compromettre le show de ce soir.
2 – La photo affichée dans votre salon :
A – La photo de mariage de vos grands-parents.
B – Votre 1ère photo de classe avec vos frères et sœurs.
C – Vos dernières vacances à Bali (dans un cadre numérique).
D – Votre dernière sortie en boîte.
3 – Un pote sort sa guitare en soirée. Comment réagissez-vous ?
A – Hey, tu peux jouer « Jeux interdits » ?
B – Hey, tu peux jouer « La poupée qui fait non » ?
C – Hey, tu peux jouer « Wonderwall » ?
D – Hey, tu peux jouer « The Call of Ktulu » ?
4 – La meilleure invention musicale :
A – Le 78-tours
B – Le transistor
C – Le mixage numérique
D – L’ampli
5 – Il y a trop d’infrabasses dans cette salle :
A – Vous repartez en pleurant et en saignant des oreilles.
B – Putain, quelle profondeur !
C – Juste aïe.
D – Ils ne sont pas foutus capables d’embaucher de bons techos…
*
Majorité de réponses A : l’écoute de vinyles d’époque n’a aucun secret pour vous.
Vous n’avez jamais jeté votre platine ni votre mange-disques Fisher Price en 1994 et, sans être DJ, vous avez toujours cru au retour en force du support de votre enfance. Si vous êtes né après 1990, vous êtes un sale hipster de merde.
Majorité de réponses B : Vous kiffez le mix mono.
Pour vous, seul le coffret mono des Beatles est la vraie restitution du son studio. Et vous ricanez quand votre petite sœur jette son casque lorsqu’un des écouteurs pète. En gros, vous êtes à la fois tyrannique et sadique. Ou vous avez perdu une oreille. Dans ce cas, je vous plains.
Majorité de réponses C : Vous êtes profondément attiré par le mix stéréo.
Et vous avez raison, parce que vous ne supporteriez pas à peu près 99 % de la production phonographique en 2014 dans le cas contraire. Certes, aimer le mix stéréo d’un album ne fait pas de vous un original, mais au moins, vous avez pris conscience d’un fait scientifique : l’être humain a deux oreilles.
Majorité de réponses D : Le meilleur support, c’est le musicien lui-même !
Pour vous, l’écoute de la musique est aussi une expérience visuelle (T tro bo Justiiiiiiiiiiiin) et vous ne croyez plus au support audio pur. C’est un choix qui, de plus, enlève le côté un peu solitaire de la platine pour permettre la rencontre.