Les affligés de Chris Womersley

Par Artemissia Gold @SongeD1NuitDete

Broché: 320 pages
Editeur :
J’ai lu
Prix éditeur: 7.60€
Langue :
Français
ISBN-10:
2226241469
ISBN-13:
978-2226241467

Disponible sur liseuse: Oui

Résumé:

Australie, 1919. Alors que la Grande Guerre est enfin terminée, une épidémie de grippe espagnole ravage le pays. Dans cette atmosphère de fin du monde, Quinn Walker, un soldat démobilisé, retrouve la petite ville de Flint en Nouvelle-Galles du sud qu’il a quittée dix ans plus tôt après avoir été accusé à tort d’un crime effroyable. Hanté par ses propres fantômes, persuadé qu’il sera pendu si on le découvre, il se terre dans les collines avoisinantes. Jusqu’à cette rencontre avec une gamine mystérieuse aux allures de fée, qui connaît son passé et l’encourage à la vengeance.

Mon avis: 

Le roman s’ouvre sur un crime particulièrement atroce. Sarah Walker, une enfant de 12 ans, a été violée et tuée dans une grange à l’écart de la petite ville de Flint. Tout désigne son frère Quinn comme coupable. Trouvé sur place, l’arme du crime à la main, par son père et son oncle, le jeune garçon alors âgé de 16 ans s’enfuit pour ne réapparaître que 10 ans plus tard. Entre temps, la première guerre a semé des millions de morts en Europe et la grippe ravage l’Australie. Quinn, fortement touché à la fois physiquement et moralement par les combats, décide de revenir dans la ville de son enfance malgré les risques qu’il encourt. Quinn connaît la vérité sur le meurtre de sa sœur mais ne se sent pas le courage de la dévoiler aux yeux de sa famille et de la ville.  Sa rencontre avec Sadie Fox, une très étrange enfant de 12 ans va être déterminante.

 Un homme à la recherche de sa rédemption

Si vous vous attendez à la lecture de ce roman à découvrir un thriller dont le but est de découvrir le véritable assassin de Sarah Walker, vous risquez d’être déçus. Ici, il n’est pas question d’enquête ni de quête de la vérité. Très vite le lecteur connaît le coupable du crime atroce qui a brisé la famille Walker. Les affligés est avant tout un roman sur la quête de rédemption d’un homme meurtri dans sa chair et dans son âme par la culpabilité. Âgé de 16 ans au moment des faits, Quinn s’en veut de n’avoir pas pu sauver sa jeune sœur et de ne pas avoir le courage de venger sa mort, pensant que personne ne le croirait et que la dure vérité nuirait davantage à sa famille. Soucieux de préserver sa mère touchée par la grippe espagnole, Quinn cache la vérité tout comme il se cache  au milieu des collines écrasées par un soleil ardent.

La culpabilité n’est pas le seul mal qui touche le personnage. Le roman, par touches, retrace son parcours depuis sa fuite de Flint dix ans auparavant et en particulier les années de guerre et ses conséquences. Le héros porte sur lui les stigmates de cette dernière. Une cicatrice le rend presque méconnaissable; le gaz moutarde lui a brûlé les poumons; les explosions des abus l’ont rendu sourd d’une oreille.  Toutes ses blessures physiques font étrangement écho aux blessures morales du personnage et le conduisent parfois au bord de la folie. Ses liens avec Sadie qui l’accueille dans sa cabane au milieu de nulle part sont troublants parfois même dérangeants. On ne peut s’empêcher de faire le rapprochement entre Sarah et elle. La petite fille est à la fois enfantine et subitement très mature. Elle pousse Quinn à la vengeance, à punir les coupables du meurtre de Sarah pour ne pas que cela se reproduise car la prochaine victime, elle le sait, ce sera elle.

Entre roman noir et fantastique

Je ne parle pas d’un "fantastique" au sens où on l’entend aujourd’hui avec ses créatures surnaturelles et ses intrigues très manichéennes mais plutôt au sens où on l’entendait au XIX ème siècle. Bien que le style soit complètement différent, j’ai retrouvé dans ce roman cette même sensation de doute permanent qui accompagne les récits fantastiques cette période avec cette même question qui accompagne toute la lecture du roman: Quinn est-il fou? A-t-il imaginé cette enfant de 12 ans sortie de nulle part et qui ressemble étrangement à sa sœur décédée? Sadie est-elle réelle ? A-t-elle quelques pouvoirs surnaturels ou est-elle seulement une enfant seule, perdue et un peu dérangée? L’atmosphère décrite par Chris Womersley contribue également à cette ambiance. La chaleur qui accable les personnages, la douleur de la maladie, le poids de l’isolement, les sens sollicités en permanence: tout cela est décrit avec justesse et richesse. Ces éléments eux-mêmes renforcent cette idée d’entre-deux mondes. Celui de la réalité historique et géographique, et celui du rêve et de l’illusion de plus en plus présents au fil du roman.

Tout est sous-entendu et est fait pour que l’on doute: les hallucinations dont est victime Quinn à cause du gaz qu’il a inhalé pendant la guerre, cet étrange message délivré par une voyante alors qu’il était en Europe, Sadie qui est persuadée de pouvoir communiquer avec les animaux et la nature comme une fée pourrait le faire…  C’est habile et encore une fois très troublant. Mais surtout, la fin n’apporte pas de réponse et ne lève pas le voile sur ces incertitudes.

Ai-je aimé ou n’ai-je pas aimé: telle est la question…

J’ai fini ce roman il y a plus d’une semaine et je n’ai pas pu faire la chronique tout de suite parce que je n’ai pas réussi à trancher. A la lecture de la quatrième de couverture et du prologue, je m’étais attendue à lire un thriller un peu historique, à l’atmosphère pesante caractéristique de ces lieux isolés du monde et accablé par le soleil australien. Dire que j’ai été déçue serait faux mais je ne m’attendais pas à ce genre de récit. Ici, les personnages et ce monde toujours sur le fil entre réalité et illusion sont au centre de ce roman. L’intrigue du meurtre de Sarah est presque secondaire. C’est un roman intrigant et riche qui ne m’a pas laissée indifférente et m’a fait douter à plusieurs reprises.  Et ça,  c’est important dans une lecture !