Avant de vivre en Arabie, le Proche-Orient était pour moi un cas de géopolitique de plus.Un territoire, une histoire, des guerres. Des parties en présence qui exportent leur haine bien au-delà des frontières. Mais cela restait lointain. Et puis, sur la péninsule, dans le Golfe, ce Proche-Orient blessé a porté les noms de mes collègues, de mes amis. Le cas géopolitique s’est transformé en histoires humaines. Il y a les copains palestiniens qui n’ont pas de passeport, qui n’ont pas de pays d’ailleurs, qui sont nés en Jordanie ou dans les Emirats, ou ailleurs. Leur nation tatouée au cœur, mais où ils n’ont jamais mis les pieds. Apatrides. Il y a ceux, syriens, qui voient leurs maisons détruites et qui sont obligés de se réfugier ailleurs. Il y a ceux, libanais, qui ne rentrent pas au pays pour des vacances pour cause de bombardements. Il y a ceux, de confession juive, qui taisent leur foi parce qu’elle n’est pas autorisée à être pratiquée en liberté. Et il y a tous ceux, de toutes confessions, de toutes nationalités qui ne peuvent aller visiter Jérusalem, juste pour ne pas « griller » leurs passeports. Tout ceux-là, ce sont des copains, des amis que nous côtoyons tous les jours et qui vous disent d’un air banal en haussant les épaules « non, ça va en ce moment, juste quelques tirs de mortier et une bombe ici ou là… » de la même manière que vous vous diriez : « Non, ça va, la grêle a à peine touché les plantations du jardin… ». Terrible habitude de la violence.
Alors c’est vrai que l’on peut être dubitatif quand on voit 3 bonhommes prier pour la paix dans les jardins du Vatican. Depuis le temps que l’on prie pour la paix…qu’est-ce que cela va changer hein ? Les plus grands politologues, les organisations internationales, les grands chefs d’Etat s’y sont cassé les dents alors ce n’est pas à priori un bonhomme en robe blanche qui organise une garden party en fin de soirée qui va changer la face du monde.
Et pourtant. Juste pour quelques heures, on change de terrain. Juste pour quelques heures, on change de registre. On n’est plus autour d’une table avec conseillers, militaires et conventions à signer. On ne négocie plus d’arrêt de colonies ou de montage de murs, on ne négocie plus l’arrêt des violences, dérisoires pierres contre blindés. On n’essaye plus, pendant 2 brèves heures, d’endiguer la haine qui s’étend de pays à pays, comme une marée noire échappée d’un tanker échoué.
Pendant 2 heures, on s’en remet juste à Dieu. Juste ? On s’avoue petit, faible face à ces haines qui finissent par nous dépasser. Même quand on est chef d’Etat. On s’avoue frères. On tente de savourer le mot « paix » qui roule entre les lèvres, en hébreu, en anglais, en italien, en arabe.
Alors peut-être que les commentateurs de politique internationale trouvent cela dérisoire, peut-être que les conseillers militaires retournent en riant à leurs stratégies à mettre en place.
Je n’ai pas trouvé cela dérisoire. Je n’ai pas trouvé cela plein de bons sentiments qui s’avèreraient hypocrites. J’ai trouvé cela bon et beau, car qui sommes-nous pour savoir comment Dieu parle aux hommes qui le prient ?