Aujourd'hui, la prospérité des entreprises – voire, dans certains cas, leur survie – dépend de plus en plus de leur capacité à produire des solutions logicielles de qualité, sachant répondre aux attentes des clients ou, mieux encore, les anticiper. Pour ce faire, il est indispensable de rassembler et fidéliser les talents les plus brillants dans le domaine. Hélas, la concurrence est rude et les rares candidats préfèrent travailler pour Google, Facebook, ou même leur propre startup, plutôt que pour une banque ou un assureur.
Alors, face à l'inéluctable « digitalisation » du monde, des voix s'élèvent depuis quelques mois et réclament que la programmation informatique soit enseignée à tous, dès le plus jeune âge. Leur logique semble imparable : les logiciels étant désormais omniprésents dans notre environnement quotidien et dans toutes les activités économiques, il faut que nos enfants en maîtrisent toutes les subtilités pour rester « dans la course » (et, incidemment, espérer trouver un emploi un jour).
Malheureusement, ce raisonnement est faux et ignore les réalités. Il suffit en effet de regarder de près les effectifs des grandes entreprises – et plus particulièrement les institutions financières qui font partie des plus consommatrices de technologies numériques – pour se rendre compte que la programmation n'y est résolument pas un métier d'avenir. La vérité est crue : ce n'est jamais son code qui rend une application brillante, sa valeur réside toujours dans sa conception.
Dans la plupart des organisations, comme le souligne notamment le DSI d'USAA dans l'article cité en introduction, les jeunes recrues qui commencent par le développement logiciel évoluent rapidement vers d'autres fonctions. De plus en plus, l'écriture du code est externalisée, voire délocalisée, et elle sera, dans un avenir plus ou moins proche, confiée à des automates capables de transformer une idée correctement formalisée en une application opérationnelle (et peut-être sans anomalie ?).
Que deviendront alors les compétences acquises à l'école primaire ? Un bagage inutile… Il serait fantaisiste de croire que l'apprentissage de la programmation est indispensable pour concevoir les succès de demain. Et c'est pourquoi je doute de la pertinence « intrinsèque » d'une initiative telle que l'École 42. Les porteurs de projets pourront apprendre à concrétiser leurs idées grâce à ce type de cursus mais l'inverse ne sera jamais vrai et les « simples » codeurs vont vers d'immenses déconvenues.
Bien sûr, l'enseignement doit s'adapter à l'évolution du monde contemporain. Mais il pourrait être extrêmement dangereux de se précipiter dans une impasse, sous l'effet d'une mode passagère. Ce sont probablement la créativité et la capacité à formaliser des idées qui seront nécessaires aux futurs génies (et autres travailleurs) de l'entreprise numérique, pas la connaissance des bases de la programmation, même si ma prédiction d'une automatisation du codage ne se réalise pas de sitôt.