(Ma participation à l’atelier d’écriture qui consiste à illustrer la photo ci-dessous de Diane)
La porte avait claqué laissant place au silence dans la chaleur écrasante du mois de juin. Il aurait préféré que le ciel se déchaîne, qu’il soit gris menaçant, qu’il tonne de toute sa puissance, qu’il le soutienne. Au lieu de cela il semblait darder de son bleu le plus étincelant.
Il s’éloigna de la fenêtre laissant la cime des arbres pointer vers lui ses feuilles gonflées de chlorophylle, attirées.
L’instant d’avant, elle avait fait voler en éclats sa vie, ses perspectives, leurs projets. Le monde qu’il sentait imploser, s’effriter sous ses pieds, et menacer son équilibre, paraissait pourtant parfaitement normal. Normal, en effet, puisqu’il ne s’agissait que de SON monde. Il pensa à son film catastrophe favori, la terre s’y ouvrait, le supervolcan s’enflammait, et la mer engloutissait le monde. Il avait au moins le mérite de montrer la rupture.
Autour de lui, rien n’avait changé pour les autres. Les gens vivaient, riaient, et faisaient la fête. Il répéta son nom et son prénom mentalement, comme un mantra. Leurs vies, sa vie allait changer. Il devrait supporter l’appartement vidé de ses affaires à son retour de voyage. Comme si ces dernières années avaient été un songe. Comme si rien n’était arrivé. Sur le sol du balcon le chat s’étirait en miaulant paresseusement. Au moins ils étaient deux.
Il leva les yeux vers cette partie du ciel, les nuages s’y accumulaient, striant le ciel, comme une toile. L’écheveau qu’il contemplait lui faisait penser à leurs vies communes. Il allait falloir les démêler scrupuleusement, avec difficulté et douleur. Quel drôle d’exercice. Mentalement, comme pour réaliser ce qui se passait, il prononça son prénom et son nom. Elle allait redevenir étrangère. Enfin, pas tout à fait. Elle ne lui serait plus familière. Il ne pourrait embrasser que brièvement sa joue, à l’occasion d’une bise. Tout le reste lui serait interdit.
Il pensa à tous les surnoms qu’il avait pu lui inventer, et dont il l’avait affublée durant ces années. Ils accompagnaient leur histoire, ils en marquaient les contours. Il se rappelait les moments précis qui avaient présidé à leur invention, sa nomination, son regard doux, sa désignation d’”avant” qu’ils ne soient ensemble, la transformation adorable de son prénom, jusqu’aux dérives de son nom de famille qu’il s’était autorisé. Tout cela partait en fumée. Adossé à sa balustrade, il regardait le ciel songeant que la séparation c’était cela avant tout : la disparition des surnoms amoureux.