L’Art Tembé, qu’est-ce-que c’est ?
Avant de partager cette interview, je vous propose de revenir sur les origines de cet art graphique. « L’origine du Tembé qui remonte au 17eme siècle, dans les premières habitations d’esclaves en Guyane hollandaise (Suriname). Il est un moyen de communication dans les plantations. Rapidement, les esclaves fuient leur servitude et s’installent dans la forêt, près du fleuve. Pas n’importe lequel, du Maroni plus grand fleuve de Guyane et de son affluent le Tapanahoni. Le Tembé, c’est l’art du fleuve, il définit l’ensemble des arts marrons ».
Franky Amete, l’ambassadeur de l’art Tembé
Afrozap : Franky ! Depuis quand entretiens-tu ce lien avec l’art Tembé ?
Franky Amete : En fait, j’ai grandi dans l’Art. Je suis né dans une famille ou l’Art a une grande importance. Mon père était un très bon sculpteur et peinture. Du coup, j’ai toujours eu autour de moi, des personnes en situation de création et des objets d’arts. Après mes études au Surinam, de retour en Guyane, je me suis intéressé un plus à l’art Tembé. J’ai cherché à approfondir ma pratique de cet art ancestral.
Afrozap : Des études en Arts plastiques ?
Franky Amete :Non ! Non ! C’est mon intérêt pour l’Art Tembé qui m’a poussé à me former. J’ai fait une formation à Kingston en Jamaïque en Art Contemporain. L’art Tembé, j’ai grandi avec. C’était le système de communication des mes ancêtres. Autrefois, il était utilisé par les esclaves dans les plantations. Et j’ai appris à m’en servir. C’est un art qui était un peu en voie de disparition. Les gens de ma génération ne s’y intéressaient pas spécialement. Quand j’ai commencé à le pratiquer, j’étais le plus jeune. Et la médiatisation de mon travail a permis de parler de l’art Tembé, hors de la Guyane. Ça a suscité de l’intérêt et des nouvelles vocations chez les jeunes guyanais qui se sont mis à vouloir comprendre et pratiquer l’art tembé.
Afrozap : Comment cet art se transmet en Guyane ? Existe-t-il des écoles ?
Franky Ameté : En fait, ce sont les associations comme « umila one »* qui ont boostés certains artistes comme moi en leurs donnant accès à des formations. Nous avons eu l’aide de beaucoup de structures locales pour valoriser notre travail. Il y a aussi l’École d’Architecture de Grenoble qui nous a apporté un vrai soutien. J’ai également réalisé des manuels pédagogiques pour les écoles en Guyane sur l’art tembé. Une autre façon pour moi de transmettre cette tradition et ce patrimoine.
Afrozap : Au sujet de la technique en elle-même, est-ce que certaines formes sont interdites dans la réalisation d’une œuvre Tembé ?
Franky Amete : Oui ! On ne fait pas n’importe quoi. On ne dessine pas n’importe quoi. Certains artistes abordés se sont « perdus » en abordant des sujets qui n’ont pas leur place dans l’art Tembé comme l’amour. Ils ont cherché à séduire avec le Tembé. On n’offre pas une œuvre Tembé à n’importe qui. La personne doit être en mesure de comprendre le message. L’art Tembé, ce n’est pas que de la décoration.
Afrozap : Je reviens sur les formes utilisées. Beaucoup de courbes, des carrées …
Franky Amete : Oui. en fait, si l’on fait bien attention, certaines formes représentent des parties de corps humain. Les couleurs ont une signification par exemple, le rouge pour l’homme, le sang de l’homme. Le vert symbolise la terre, la nature. La couleur jaune fait référence au soleil, l’or et la valeur de la terre. Pour, l’orange, on l’utilise pour le feu. Le noir représente la terre et le gris pour le temps qui change. Toutes les couleurs assemblées représentent la vie que l’on mène aujourd’hui car la vie n’a pas de frontière. On est tous mélangés. Donc, quel que soit le support, une œuvre Tembé contiendra toujours un message bien précis.
Afrozap :Au sujet de l’exposition « fusées Tembé » que nous pourrons voir sur le site du festival Rio Loco, quel est le message ?
Franky Amete : Chaque structure dit quelque chose. Chaque objet dira quelque chose. A première vue, on peut y voir juste des fusées et se dire « Ah ! Ok ! Les fusées, Ariane, la Guyane… » Le rapprochement peut être simpliste. Mais il faut voir plus loin. Nous avons travaillé avec les enfants qui ont participé au projet pédagogique et culturel Valise RIO LOCO. Tous les motifs utilisés, renvoient à la notion d’amitié, de relation amicale et d’unité. Un message qui correspond bien aux valeurs de ce festival, je trouve.
Afrozap : Avant de commencer l’interview, tu travaillais sur ces œuvres et tu chantais en même temps. Qu’apporte la musique dans ton processus de création?
Franky Amete : Après l’art, c’est la musique. Je suis musicien et chanteur dans un groupe de reggae en Guyane qui s’appelle « United Foundation », un groupe multi ethnique. Je peux même dire que j’étais musicien avant d’être artiste peintre. Les deux font partie de moi. Je m’amuse et je m’exprime. C’est ce qui compte.
Afrozap : Ta participation au Festival Rio Loco, comment la vis-tu ?
Franky Amete : C’est quelque chose d’énorme pour moi. Je ne suis pas là que pour représenter mon travail mais aussi pour apporter une visibilité à la Guyane et à l’Outre-mer . Rio Loco c’est une ouverture, le début de nouvelle(s) aventure(s) et collaborations artistiques C’est aussi ça la vie d’artiste.
Afrozap : Merci à toi Franky ! Et bon Festival.
Retrouvez Franky Amete, le 14 juin à la Médiathèque Empalot, à 10h30.
Dans le cadre du festival Rio loco, Franky Amete vous propose un atelier autour de l’art Tembé, le samedi 14 juin à 10h30, à la médiathèque d’Empalot. Uniquement sur réservation au 05 61 25 57 46