Quel meilleur jour choisir qu’un dimanche aussi ensoleillé pour parler de la pénibilité du travail ? je viens de tomber sur cet article de la Tribune qui m’apprend que le dossier du compte pénibilité, qui fait pendant à la réforme des retraites, sera dévoilé mardi par le gouvernement.
Ce misérable pis-aller, sensé compenser l’allongement de la durée de cotisation, m’avait – naïf que je suis – laissé quelque espoir de voir l’engagement sociétal auquel j’avais souscrit dans mon entrée dans la vie active, soit 16 ans, enfin respecté : la retraite à 60 ans.
Hélas, mille fois hélas…. La manière dont le gouvernement pourtant qualifié (si abusivement) de socialiste (et le patronat qui marche avec main dans la main malgré quelques simulacres d’écarts pour le spectacle médiatique nécessaire) a conçu cette pénibilité au travail m’apparait comme éminemment et abusivement restrictive :
"il visera tous ceux qui ont été exposés à l’un des dix critères de pénibilité (bruit, travail de nuit, postures pénibles, travail répétitif, etc.) inscrits dans le code du Travail."
Pourtant, moi qui comme bien d ‘autres travaille dans un secteur exposé à la pénibilité mais qui n’est jamais évoqué tant les critères qui la qualifient sont limités à des considérations d’ordre purement physiques, je me sens doublement floué. Non seulement un gouvernement dit de gauche m’oblige à travailler 7 ans de plus que prévu initialement, mais en plus on nie la pénibilité de mon travail qui est d’une autre nature. Travailler avec des personnes en difficulté, et plus particulièrement avec des handicapés mentaux, dont la caractéristique commune est leur grande anxiété, leur souffrance morale, crée à la longue une usure mentale à laquelle bien peu résistent. C’est un monde à part pour lequel il faut être blindé. J’en ai vu des gens passer par là qui s’en sont vite échappé malgré la difficulté de trouver un emploi. Une vocation, assurément.
Et voilà que des technocrates imbus de leurs certitudes alors qu’ils ne connaissent pour la plupart rien de la vie au travail, vont décider de mon avenir la semaine prochaine, sans se douter que des centaines de milliers de salariés seront d’office exclus de leurs négociations par méconnaissance de la diversité des métiers et des conditions de travail Mais aussi, peut-être, parce que nous vivons dans une société où tout doit être quantifiable pour être géré. Et comme la souffrance humaine, par nature, ne l’est pas… Ces gens là s’en tapent comme de leur première paire de chaussettes, à laquelle peut-être ils accordent s’ils en ont encore le souvenir, davantage de considération.
L’injustice est bien là. Et je m’oppose. Pas par plaisir mais par nécessité. Car je n’oublie pas l’origine du mot travail, comme beaucoup d ‘anarchistes dont je suis un peu, quelque part au niveau de mon vécu….