Pierre-Yves Leprince : Les Enquêtes de Monsieur Proust

Publié le 07 juin 2014 par Lebouquineur @LBouquineur

Pierre-Yves Leprince, scénographe français, peintre et écrivain est né en 1940 à Orléans. Issu d'une famille d'enseignants et de peintres, il poursuit des études de lettres classiques à Paris. Entre 1960 et 1970, il est animateur de théâtre et enseignant et c'est à cette époque qu'il découvre Proust et écrit ses premiers essais littéraires. Il est producteur à France Culture de 1971 à 1976, notamment pour les émissions consacrées au centième anniversaire de la naissance de Proust. Son premier roman, Les enquêtes de Monsieur Proust, est paru cette année.

Nous sommes en 1986, Noël le narrateur presque centenaire, écrit un livre de souvenirs (Les Enquêtes de Monsieur Proust) relatant sa rencontre avec Marcel Proust en 1906. L’écrivain en devenir, La recherche du temps perdu n’est encore qu’en gestation, était venu en villégiature à l'hôtel des Réservoirs, à Versailles, après la mort de sa mère. Noël, dix sept ans à l’époque, d’un milieu pauvre, était coursier de l’hôtel et travaillait pour une agence de détectives. Après que le détective en herbe ait retrouvé un carnet – les fameux carnets ! – égaré de Marcel Proust, une relation particulière (non, non !) va réunir les deux hommes. Outre le carnet égaré, puis volé, nos deux héros seront confrontés à une affaire paranormale impliquant deux anglaises, Miss Jourdain et Miss Moberly, dans les jardins du parc du château (un fait réel qui fit grand bruit à l’époque) et même à un crime dans l’hôtel.  

Si le titre du livre et le fil rouge des enquêtes nous rapprochent du roman policier, tout ceci n’est que prétexte pour Pierre-Yves Leprince à écrire un merveilleux texte criant son admiration sans bornes pour le grand écrivain. Il faut certainement avoir un a priori favorable envers Marcel Proust pour apprécier cet ouvrage à sa juste valeur, mais comme c’est mon cas, je peux vous dire que je me suis délecté de ce roman jubilatoire.

Tout m’a semblé parfait. L’écriture lentement déroulée, le rythme, des fins de phrases reprises au début de la suivante créant un effet de ressac apaisant, les mots employés, tout nous renvoie en ce début de XXe siècle. Et bien entendu, l’écrivain aborde dans le roman, les thèmes chers à Proust comme la mémoire, le temps qui passe etc. soit par allusions, soit en termes directs. L’angle polar, mais anecdotique, est traité dans l’esprit des Hercule Poirot, alliant raisonnement, analyse des caractères et préciosité du héros, avec un effet de style consistant à annoncer par avance ce qui va advenir plus loin pour aguicher l’impatience du lecteur. Tous les acteurs du bouquin sont magistralement peints et si l’auteur ne fait pas l’impasse sur les mœurs sexuelles planant sur le personnage de Proust ou d’autres figures du roman, c’est avec tact et délicatesse, nous apprenant ce que signifiait « la prière sur les bottines » en 1900.

Quant au Proust du roman, dont Pierre-Yves Leprince sait tout, nous en avons un portrait superbe nous le rendant vivant à jamais, avec ses problèmes de santé, sa mélancolie récurrente après le décès de sa mère, son envie d'écrire ; désormais, quand j’entendrai parler de Proust, c’est cette image qui me restera toujours en mémoire et non plus une figure désincarnée forgée à partir d’articles de presse ou de préfaces d’ouvrages.