La Commission nationale d’éthique dans le domaine de la médecine humaine (CNE-NEK) publie aujourd’hui sa prise de position intitulée « Sur l’obligation de communiquer des informations couvertes par le secret médical en prison » (n° 23/2014). La CNE recommande à l’unanimité de maintenir le système actuel fondé sur une option de communiquer. Une obligation de communiquer ne facilite pas l’évaluation de la dangerosité et donc ne constitue pas un moyen d’améliorer la sécurité de la population ; cette obligation risque au contraire de péjorer cette sécurité, car les détenus ayant purgé leur peine réintégreront la société sans avoir bénéficié de soins adéquats, en particulier dans leur dimension psychique ; une obligation de communiquer tendrait de plus à décourager les médecins d’exercer leur métier auprès des personnes détenues, porterait une atteinte grave au droit à la sphère privée des personnes détenues et irait à l’encontre des principes éthiques internationalement reconnus. La CNE détaille ces considérations sur la base des arguments suivants qui s’opposent à l’obligation de communiquer :
• Le système actuel prévoit déjà de libérer les professionnels du secret médical dans des circonstances déterminées, notamment lorsqu’il s’agit de défendre des intérêts prépondérants qui priment sur le secret ou dans les cas d’urgence ;
• Les modifications envisagées confondent ou mélangent soin et expertise, alors que les activités de soins (prévention, diagnostic, traitement) doivent être strictement distinguées du travail d’expertise médicale. La séparation claire des deux rôles permet de préserver la spécificité des deux fonctions;
• L’obligation de communiquer nuit aux intérêts de la collectivité car la santé en milieu de détention sert également à protéger la collectivité, entre autres en diminuant le risque de récidive ;
• La confidentialité est indispensable pour instaurer une relation thérapeutique ; la confiance est au coeur de cette relation et de son efficacité ;
• L’obligation de communiquer contrevient aux principes de non-discrimination et d’équivalence, puisque les détenus doivent bénéficier de prestations dans le domaine de la santé similaires à celles offertes à l’ensemble de la population ; elle contredit ainsi les principes éthiques et déontologies régissant les professions de la santé ;
• Les modifications envisagées déplacent sans la résoudre la question du caractère pertinent de l’information à communiquer ;
• L’obligation de communiquer cible de manière indue une catégorie professionnelle, alors que les professionnels de la santé ne sont pas les seuls à disposer d’informations importantes ;
• Les modifications envisagées risquent de détourner les professionnels de la santé de l’exercice de la médecine en prison, les soignants ayant le sentiment d’exercer une catégorie inférieure de médecine où les exigences éthiques sont moindres.