Masterpieces : Tours et Détours

L'exposition Masterpieces of New Guinea a ouvert ses portes cette semaine avec Bruneaf à l'ancienne Nonciature des Sablons... Ce sont 58 objets extraordinaires qui intriguent mais, passé l'admiration première pour leur qualité, la question qui brûlent les lèvres est bien sûr : "Mais que diable ces objets allaient-ils faire au musée de l'Afrique centrale de Tervuren (Afrika Museum)?"


En fait tout se passe dans les années 60 puis 70 au cours desquelles le musée du Cinquantenaire et le musée de Tevuren réfléchissent à la restructuration de leurs collections ethnographiques respectives.
Le musée du Cinquantenaire (ou Musées royaux d'Art et d'Histoire) a en effet pour vocation première de s'intéresser à l'histoire des cultures du monde. Aussi, bataille est-elle menée à l'époque afin de conserver au musée les oeuvres polynésiennes, micronésiennes, nord-américaines, précolombiennes et indonésiennes, et de se "débarrasser" des pièces africaines et mélanésiennes, jugées être les témoins de cultures sans écritures et de sociétés tribales (à l'opposée de la Polynésie et la Micronésie qui avaient des systèmes sociaux hiérarchisés). Dans cette optique, il s'agirait donc d'oeuvres "hors de l'Histoire" et dont la place naturelle serait le musée de Tervuren (grand musée d'anthropologie culturelle) alors que le musée du Cinquantenaire devait confirmer sa position de musée dédié à l'art et l'archéologie.


Bref, cette vision ne fut jamais acceptée par tous les acteurs des deux musées, les querelles ne cessèrent pas. 550 objets mélanésiens furent ainsi transférés du musée du Cinquantenaire à Tervuren en échange de meubles, de tableaux et d'ivoires. Mais ce qui est le plus étonnant, c'est que les deux musées poursuivirent, chacun de leur côté, des politiques d'acquisition sans aucune coordination.
Ainsi, le musée du Cinquantenaire acquit-il des pièces africaines et mélanésiennes et celui de Tervuren des objets de Polynésie, de Micronésie, des indiens des plaines...
Les 58 objets exposés aujourd'hui sont donc le fruit d'acquisition propre de l'Afrika museum mais aussi du transfert de pièces du musée du Cinquantenaire...


Un passé bien compliqué me direz-vous... Mais qu'en sera-t-il de l'avenir ?
Car avec cette exposition de pièces superbes, une nouvelle question est sur toutes les lèvres : Quel sera le sort de ces objets ?
Certainement lié au destin du futur Africa Museum. Nous devons donc souhaiter mais surtout faire entendre que ces pièces n'ont pas à être de nouveau reléguées au fond des réserves maintenant qu'elles se retrouvent sous les feux de la rampe mais bien qu'elles y restent !
Photos de l'auteure, Bruxelles juin 2014.