Si, je vous promets elles existent ces salles d’objets d’art dans le Louvre. Bon, il faut prendre trois escalators, se perdre dans les méandres tortueux de l’aile Richelieu… Mais après avoir demandé à trois gardiens votre chemin vous arriverez enfin aux salles qui rouvrent aujourd’hui après 8 ans de travaux. En y allant vous aurez la chance de passer par les XVe et XVIe siècles et vous découvrirez (enfin) ce que signifie un Louvre désert et toute la joie que cela procure. Au bout, pas moins de 35 salles sont ouvertes et montrent au visiteur les collections des objets d’art allant de Louis XIV à Louis XVI. Quel travail ! Et ce qui est sur c’est que c’est beau.
A cette occasion, les boiseries, les meubles, les objets ont été restaurés. Et il est vrai qu’ils ont tous l’air d’être sous leur meilleur jour, étincelants. Pour les plus petits objets, des salles sombres avec une lumière centrée sur eux nous permettent d’entrer dans l’intimité de l’œuvre. Le visiteur peut alors dialoguer avec elle et comprendre toute sa splendeur. Pour les objets d’ameublement, une sorte de mise en scène a été adoptée : celle des period rooms. C’est un procédé muséographique qui permet de rendre compte d’un environnement en plaçant les objets mobiliers comme ils seraient supposés être à leur époque. Ainsi, dans la première salle un salon de l’Hôtel Le Bas Montargis des meubles venant de cet hôtel et des tentures qui n’y ont jamais été sont assemblés. La véracité scientifique importe peu car le but de cette muséographique est de donner une impression de vérité. Je me souviens avec nostalgie de mes cours de muséographie de l’Ecole du Louvre. On nous avait dit combien la muséographie française se différenciait par le refus des period rooms qui, certes, ont un sens dans la démonstration pédagogique mais où le purisme historique fait défaut. Les temps changent et les muséographies aussi, aujourd’hui nos nouvelles salles adoptent ce parti et il est vrai « c’est joli » (comme vous pourrez l’entendre 100 fois dans l’exposition).
Pour ma part, je trouve que des objets aussi impressionnants que ceux exposés n’avaient pas forcément besoin d’un accompagnement « joli ». Les décors de Oudry dans la salle Isaac de Camondo parlent d’eux-mêmes… Et les mettre en scène, n'est-ce pas ne pas croire en l’œil du visiteur ?
De plus, tout n’est pas joli… La deuxième salle renferme une sorte de fausse architecture classique en toc dans laquelle vous entrez pour découvrir les objets. L’espace intérieur est si étroit que c’est à croire que les conservateurs eux-mêmes ont constaté combien le public délaissait les salles objets d’art, on y tiendrait pas à 10 ! Au delà de la place, l’architecture est plutôt étrange et coupe l’espace magistrale disponible. Mais il est vrai que le scénographe, Jacques Garcia, avait avoué dans une interview en 2012 « J’adore le mauvais goût ». Oups ! Dommage quand même quand on se frotte à la muséographie. En fait, cela fait penser à du tape à l’œil, à de la mise en scène pour la mise en scène. On retrouve cette sensation dans la salle consacrée aux instruments scientifiques qui sont exposés dans un cabinet aux boiseries blanches et jaunes.
Fait exceptionnel, le financement du chantier muséographique ne s’est fait que par mécénat. Le Louvre a même, à cette occasion, créé le Cercle Cressent, collectif de collectionneurs et d’amateurs d’objets d’art présidé par Madame Pinault. Ce sont eux qui ont financé le projet avec d’autres associations comme les Amis du musée du Louvre. L’Etat n’a payé que pour les travaux de sécurité et de sûreté. Pourquoi pas. Mais il ne faudrait pas que cela accentue le désengagement notable de l’Etat face à la Culture. Car oui, nous avons besoin de lui pour pouvoir perpétuer une culture non marchande et pour permettre à la culture française de continuer de rayonner.
Alors, allez voir ces salles pour vous délecter entre horloges et petites cuillères ; allez admirer les plafonds peints, les boiseries et les meubles, fleurons des décors passés ; allez découvrir ces pièces d’art en oubliant la mise en scène mais juste en les regardant. Peut-être que cette visite vous donnera l’amour des objets d’art et vous rappellera combien ils sont les témoins d’un goût, d’un quotidien, et d’un art qui fit la gloire du royaume de France aux Temps Modernes.
La réouverture de cet espace a au moins le mérite de nous présenter ces œuvres donc profitons-en !