Louis Garrel et Les Hauts de Hurlevent

Publié le 05 novembre 2013 par Marieaimee19

Louis Garrel, acteur et réalisateur français


Louis Garrel, s'il se voyait confier un autre rôle à l'écran que celui de l'éternel amant confiné dans un univers petit bourgeois parisien (Les amants réguliersLes chansons d'amourLa frontière de l'aubeLa belle personneUn été brûlant, Un château en Italie et bientôt La jalousie), serait l'incarnation parfaite de Heathcliff, le héros des Hauts de Hurlevent. Le feu noir de ses yeux tristes ainsi que son air de gitan et ses cheveux indomptables me rappellent la fascination que j'avais adolescente pour le personnage du roman d'Emily Brontë. 
Heathcliff est un orphelin de 6 ans qui meurt de faim dans les rues de Liverpool lorsqu'il est adopté par Mr Earnshaw puis recueilli dans sa demeure au coeur de la campagne anglaise. Il doit partager le quotidien de ses deux enfants: Hindley, cruellement jaloux, et Catherine, éperdument amoureuse de lui. Au-delà de l'intrigue qui est un véritable tour de force à résumer*(1), je me souviens surtout de la violence exacerbée de ses sentiments. Tout au long de sa courte vie, il est à la fois rongé par la passion destructrice qu'il voue à Catherine (une fois morte, il ira jusqu'à déterrer son corps hors de la tombe pour la serrer une dernière fois dans ses bras) et l'entêtante revanche à prendre contre un milieu social aisé parmi lequel il n'a jamais été accepté. Cet acharnement n'a d'égal que celui du Capitaine Achab lancé à la poursuite de Moby Dick. En effet, tous les deux mutilés (l'un a symboliquement perdu son coeur, l'autre sa jambe), ils sombrent dans la folie, avides de vengeance, et ne trouvent que la mort pour tout repos.
Afin de passer l'automne au chaud, je prescris à tous les coeurs en manque d'exaltation, la lecture des Hauts de Hurlevent, chef d'oeuvre romantique publié en 1847. Puisque la littérature est en ceci merveilleuse qu'elle nous procure la passion sans en subir les désagréments, les lecteurs feront donc gambader leur âme d'enfant, sans danger, à travers la lande sauvage du Yorkshire. Et en prêtant bien l'oreille, certains pourraient même entendre le souffle des fantômes qui s'aiment.

Boreas, John William Waterhouse (1903)


Balthus et l'illustration des Hauts de Hurlevent
De 1933 à 1935, Balthus travaille à la réalisation de l'illustration d'une édition limitée des Hauts de Hurlevent (Librairie Séguier, 1989). Ce roman l'avait subjugué alors qu'il était adolescent. La série de croquis en noir et blanc qu'il va exécuter lui servira plus tard de tremplin pour aborder la question du désir, clé de voûte de l'ensemble de son oeuvre picturale. 
Dans le livre d'entretien avec Cristina Carrillo De Albornoz*(2), il confie qu'il est un homme très émotif et que sa jeunesse a été un tourbillon absolu du sentiment. Il était amoureux d'Antoinette de Watteville et déterminé à la séduire: "En plus d'être une fille difficile, elle était déjà fiancée à quelqu'un d'autre. J'ai relu ses lettres tous les soirs. Je pense que, comme Heathcliff, je ne voulais pas quitter l'adolescence".

Croquis d'Heathcliff et Catherine, Balthus

La toilette de Cathy, Balthus (1933)
Le peintre se réfère explicitement à la question du jaloux :
 "Alors, pourquoi portes-tu cette robe de soie?"

La toilette de Cathy, Balthus (version peinture, 1933)
Ici, la nuisette voluptueusement dégrafée remplace le strict tailleur tandis que le peintre prend soudain les traits de Heathcliff, le héros tourmenté et violent du roman
*(1) : Résumé de l'intrigue sur Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Hauts_de_HurleventPour aller plus loin, ci-dessous une mine d'or (en anglais!) : http://www.wuthering-heights.co.uk/index.php  *(2) : Balthus, entretien avec Christina Carrillo De Albornoz, Editions Assouline, Collection Mémoire de l'art, 1999.