Lors de sa séance publique du 4 juin 2014, le Sénat a entériné la rédaction des articles 49 et suivants du projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire et n'a ajouté que trois nouvelles dispositions, relatives à la communication et à la filière pneumatiques.
La "petite loi", soit le texte du projet de loi dans sa rédaction issue des discussions au Sénat ce 4 juin peut être consultée ici.
Pour une présentation et un décryptage des dispositions de la réforme des éco-organismes, votées par les députés en première lecture, dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire, je vous propose cette note.
L'introduction, à l'Assemblée nationale, par voie d'amendements parlementaires et gouvernementaux, de plusieurs amendements aux articles 49 et suivants du projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire a créé une controverse et une certaine émotion dans les filières REP. Toutefois, ces dispositions n'ont pas été supprimées au Sénat. Au demeurant, une éventuelle suppression n'aurait pas eu grand intérêt, l'Assemblée nationale ayant le dernier mot et pouvant rétablir les dispositions "effacées" au Sénat. En définitive, au regard des craintes, souvent légitimes, suscitées par ces nouvelles dispositions et le risque de "reprise main" il me semble que le texte s'achemine vers un compromis plutôt raisonnable.
Précision sur la contribution financière des éco-organismes à la communication de pouvoirs publics
Les sénateurs ont tout d'abord complété la rédaction du II de l'article L.541-10 II du code de l'environnement :
"c) Le 1° est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « , incluant la communication relative à la prévention et à la gestion des déchets, dont la contribution financière aux actions de communication inter-filières menées par les pouvoirs publics. Le montant, le plafond et les modalités de recouvrement de cette contribution financière sont déterminés par le cahier des charges »
Ces nouvelles dispositions procèdent d'un amendement n°101 dont l'exposé des motifs précise :
"L'alinéa 5 permet de renforcer l’harmonisation des pratiques des éco-organismes et d’améliorer la communication transversale, en incluant clairement dans les missions des éco-organismes la participation à la communication sur la prévention et à la gestion des déchets faite par les pouvoirs publics dès lors qu’elle est inter-filières.
Le présent amendement propose de préciser que le cahier des charges de l'éco-organisme devra indiquer la hauteur maximale de la contribution financière attendue de l’éco-organisme, ainsi que les modalités de recouvrement de cette contribution, qui feront l’objet d’un débat des parties prenantes à l'occasion du réagrément des filières."
L'avis des parties prenantes n'est pas requis pour toute action de communication de l'éco-organisme
Les sénateurs ont ainsi modifié la rédaction de l'article L.541-10 du code de l'environnement :
"6° Les décisions que l'éco-organisme ne peut prendre qu'après avoir recueilli l'avis de l'instance représentative des parties prenantes de la filière, dont les campagnes de communication grand public de portée nationale ;"
Ces nouvelles dispositions procèdent d'un amendement n°102 dont l'exposé des motifs précise :
"L'alinéa 9 prévoit un avis systématique préalable de l’instance représentative des parties prenantes sur certaines des décisions des éco-organismes.
Cette proposition répond à un engagement de la feuille de route de la Conférence environnementale de septembre 2013 de renforcer la gouvernance des filières REP, en instaurant un suivi plus rapproché par l’ensemble des parties prenantes de certaines étapes-clés de la vie de la filière. Cet avis est particulièrement important pour la définition des campagnes de communication grand public de portée nationale, afin de s’assurer qu’elles correspondent à une vision d’intérêt général de la filière partagée par l’ensemble des acteurs.
Le présent amendement précise qu'un tel avis ne sera à recueillir que pour les « campagnes de communication » structurantes proposées par un éco-organisme, et non pas systématiquement pour toute action de communication."
Cet amendement apporte une précision bienvenue. Reste que la distinction entre une "campagne de communication" et "une communication" sera peut être parfois délicat à établir.
La filière REP pneus usagés appelée à s'organiser avant 2020
Les sénateurs ont enfin modifié la rédaction de l'article L.541-10-8 du code de l'environnement.
"b (nouveau)) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À compter du 1er janvier 2020, les systèmes individuels mis en place par les producteurs en application du premier alinéa sont approuvés et les éco-organismes créés afin de permettre aux producteurs de remplir collectivement leurs obligations sont agréés dans les conditions prévues à l’article L. 541-10. »
Ces nouvelles dispositions procèdent d'un amendement n°103 dont l'exposé des motifs précise :
"L'article 49 bis, créé par l'Assemblée nationale, tend à répondre aux engagements de la feuille de route « économie circulaire » de la Conférence environnementale de 2013 en permettant de généraliser le dispositif d’agrément à l’ensemble des éco-organismes. L’article précise par ailleurs que les organismes collectifs de la filière de gestion des déchets de pneumatiques prendront pleinement le statut d’éco-organismes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Il apparaît toutefois utile de prévoir un délai pour la mise en place de ce dispositif d’agrément. Le présent amendement prévoit ainsi une entrée en vigueur de ce dispositif au 1er janvier 2020 pour la filière des déchets de pneumatiques.
Par ailleurs, le présent amendement précise que les systèmes individuels que peuvent choisir de mettre en place les producteurs plutôt que d’adhérer et financer un eco-organisme seront également approuvés à compter de la même date. Il est en effet important que des obligations soient également prévues pour ces systèmes pour éviter tout risque de dérives et de distorsion entre les producteurs et garder un niveau d'exigence, de prévisibilité et de transparence suffisant dans la filière."
Il faut avoir présent à l'esprit l'importance du travail que suppose l'élaboration d'un cahier des charges, l'organisation ou la création d'un éco-organisme et un processus d'agrément. C'est sans doute pour ce motif que le législateur a entendu ici accorder un délai pour permettre un montage solide d'une filière REP déchets de pneus.
En conclusion ce débat parlementaire aura démontré le besoin d'un débat plus approfondi sur le développement des filières REP. On sait les réserves que suscite auprès de nombreux metteurs sur le marché leur développement, soit par création de nouvelles filières, soit par extension des périmètres existants. Car ces metteurs sur le marché ont presque tous une approche nécessairement européenne de leur activité et peuvent donc s'inquiéter que la REP introduise des différences entre le marché français et les autres, générateurs de barrières et de coûts supplémentaires. Il est donc nécessaire de consolider l'existant, d'en améliorer la qualité juridique de manière à en favoriser l'acceptabilité. Car ce dispositif des éco-organismes, qui appelle les acteurs économiques à coopérer entre eux, peut également s'avérer très utile et générateur d'économies substantielles grâce à la mutualisation des actions de gestion des déchets.
NB : Ce 12 juin 214, mon cabinet organise un petit déjeuner sur l'actualité du droit des déchets lors duquel nous étudierons cette réforme.
Arnaud Gossement
Selarl Gossement avocats