Comme je suis en panne d'articles puisque j'ai freiné mon rythme de lectures, je gagne du temps comme je peux.
A posteriori, je remarque que les 6 livres sortis sont très représentatifs de ce que je suis.
1-5: le cinquième livre de ma première étagère...
4-6: Sur la quatrième étagère, on trouve en sixième place.
5-28: le vingt-huitième livre de ma cinquième étagère..
J'avais lu un extrait en 1L dans l'objet d'étude: l'épistolaire et j'avais été conquise par le style de cet auteur. Quelques années plus tard, j'ai donc acheté le tout petit livre de Rilke. C'est sensationnel. Rilke critique les poèmes d'un novice, il le conseille. Il est une sorte de précepteur à distance. C'est parfois drôle, c'est souvent grinçant sans jamais être cruel et c'est toujours magnifique.
Je l'ai acheté en fin de Licence. Je voulais lire de la littérature russe mais je ne voulais pas m'attaquer à un pavé. Court, certes mais je n'aurais peut-être pas du jouer à la feignasse... J'aurais dû prendre mon courage à deux mains, le taureau par les cornes, bref Dstoïevski à bras le corps et lire une somme qui m'aurait peut-être davantage conquise que ce récit bref.
Pour finir, un double treize qui m'emmène dans la section de ma bibliothèque dans laquelle il n'y a plus de romans mais des manuels. Et je suis ravie de ce hasard.
Je me rappelle du contexte de l'achat, de l'utilisation, de mon état d'esprit de l'époque. C'était en 2004. Première année de fac. Charnière entre le premier semestre où je m'étais égarée dans un cursus de ¨Psychologie et le second semestre où j'ai voulu tâter le terrain "Lettres modernes". J'avais mis tous les atouts de mon côté.. Puisque j'avais raté le premier semestre, j'ai fait tout mon possible pour récupérer, j'ai acheté des tas de manuels, j'ai potassé, j'ai lu, j'ai travaillé sans jamais compter mes heures. Il y avait une matière que je redoutais: Langue Française enseignée par un homme qui me tétanisait. Il me faisait vraiment peur. J'avais la boule au ventre pendant une heure. Pourquoi? Il interrogeait ses élèves avec des questions plus complexes les unes que les autres.
Premier cours du deuxième semestre, j'arrive fraîche et légère, ignorant tout ce qui avait été fait au préalable... Quand soudain l'Homme pose une question et me dit "Vous, Mademoiselle". Je n'aime pas ne pas répondre aux questions alors je sors une réponse maladroite et FAUSSE. Personne ne m'en tient rigueur puisque tout le monde sait que je n'étais pas là au premier semestre. Tous, sauf le Prof. Pensant donc que je suis une nulle qui ne comprend rien à rien, il va passer tout ce semestre à m'interroger. Autant dire que j'ai peur et pourtant je vais en cours à chaque fois car cet Homme me fascine. Il m'effraie. Il le voit. Il s'en amuse! Dès qu'il m'interroge, je sens mes joues chauffer.
Immédiatement, je triple mes heures de travail pour être au taquet quand il m'interroge. Pour ne pas perdre la face car je suis assez orgueilleuse et surtout pour ne pas le décevoir.
Pendant mes trois années de licence et mes deux années de master, il s'est amusé à cela. Au début, je pensais qu'il me détestait et qu'il voulait m'humilier et j'ai compris en fait que c'était le contraire.
En licence, il y avait une sacrée guerre entre les nanas. J'étais à part, solitaire, froide et muette. Il y avait certains clans et les petites minettes passaient leur temps à se toiser entre elles et je crois qu'il l'avait remarqué. Quand il posait des questions, c'était toujours crescendo, de la plus facile à la plus complexe. J'héritais toujours de la plus dure. A chaque fois, il me balançait un compliment qui me touchait intensément et fermait le clapet de ces étudiantes malveillantes.
Ce livre, j'y tiens énormément: d'une part parce que cela me rappelle ces merveilleuses années, d'autre part parce que cet homme m'a insufflé le passion pour la linguistique.
Il est décédé le 14 juillet dernier. J'ai publié dans un "courrier des lecteurs" de mon quotidien régional une sorte d'oraison funèbre en son honneur. De façon anonyme, bien sûr! (j'ai mis mon nom de famille à l'envers et au lieu de mettre mon premier prénom, j'ai collé mon 2ème et mon 3ème prénoms.)
Ce qui m'a fait rire c'est lorsque ma mère m'a dit: il y a une étudiante qui a rendu hommage à ton prof. Ca devait être un p****** de prof et quelqu'un de vraiment bien au vu de tout ce qu'elle a écrit. Ma mère m'a résumé le texte sans savoir que j'en étais l'auteure.
Mon premier article de blog évoque déjà cet homme. La boucle est bouclée...