Seul parmi les autres. La démarche vagabonde, le regard songeur et l’esprit errant, le flâneur reste aujourd’hui un éternel incompris. Une parenthèse poétique dans l’espace étriqué de la rue. Adepte de la lenteur et de l’oisiveté réprouvée, il gaspille le temps précieux comme de l’or, n’en déplaise à l’exigence productiviste qui pèse chaque jour sur ses épaules. De quoi enrager tous ces lièvres imperméables au "non-agir" de la tortue, grande oubliée de l’identité citadine dont Jieun Shin redéfinit les traits dans son essai sociologique. Loin de subir le rythme effréné d’un quotidien aussi bétonné que mécanique, le promeneur, lui, sait "jouir de la solitude en transformant la ville-désert en ville-jouet", sortant de lui-même et s’ouvrant à l’imprévu.
Le flâneur postmoderne
Jieun Shin
CNRS Éditions
"Le Hasard, c’est la rue. La rue diverse et multiple de vérités à l’infini, plus simple que les livres". Voyageur, voyeur. De l’haleine des rumeurs à ses parfums agités, il l’habite presque charnellement pour dépasser son propre narcissisme, l’art de la promenade transformant chaque allée en surface fluide et volatile. Dérive flottante et déconnectée de l’espace temps, l’errance ouvre la voie à un merveilleux paradoxe, entre solitude et être ensemble. Toujours en route mais jamais égaré, si le flâneur se plaît tant à traîner de ruelle en ruelle, c’est parce qu’il cherche avant tout "un refuge parmi la foule", comme le disait Walter Benjamin. Désincarné, anonyme, spectateur absolu de son moi et du monde qui l’entoure. Célébrant la rue comme l’un des lieux les plus méditatifs de notre époque.