Sarkozy, un retour facile, prématuré et débile.

Publié le 05 juin 2014 par Juan

Il veut revenir, mais il n'a même plus les sondages pour lui. La Justice enquête en parallèle. Elle est partout, on ne sait plus où donner de la tête. 

Karachi, Libye, sondages, Qatar et UMP, Nicolas Sarkozy est toujours là, mais seul.


Trop facile
Le contexte est pourtant favorable. La gauche, d'où qu'elle vienne, est fragile, presque sonnée. Moins de 30% aux dernières élections européennes quand on additionne soutiens et adversaires de François Hollande.
François Hollande, justement, est toujours au plus bas dans les sondages. Rien n'y fait. Valls n'a aucun effet, ni sur les résultats électoraux, ni sur les sondages, ni dans les médias. L'homme ne sert à rien, sauf peut-être à lui-même. Il dégrade le dispositif élyséen sur sa gauche. Il n'améliore rien sur sa droite.
François Hollande tente une sortie sur la réforme territoriale. C'est objectivement plus agréable que les effroyables diversions sarkozystes sur l'identité nationale (pendant près de 3 ans !). Mais le cafouillage précipité est presque agaçant. Forcément, il faut aller vite. Donc Hollande se décide tout d'un coup à publier une tribune "décisive" sans caler le nombre-cible de régions. Bref, Sarkozy aurait pu profiter de ce bricolage amplifié par le Figaro.
Mieux, Christiane Taubira présente depuis mardi sa réforme judiciaire à l'Assemblée nationale. La Garde des Sceaux est un épouvantail facile pour les caricaturistes de la Droite Furibarde. Femme, noire et de gauche, elle incarne tout ce qu'il faut pour les plus effroyables des dérapages d'une droite déboussolée. La voici enfin sur l'estrade parlementaire à défendre son premier véritable texte depuis le mariage pour tous. Il instaure une nouvelle "peine de probation", dont la droite se saisit pour l'accuser de laxisme.
Pour Sarkozy et ses chantres de la boulimie sécuritaire, la proie est belle. A l'Assemblée, ces derniers se lâchent avec gourmandise et hypocrisie. Les attaques sont irréelles: Taubira est accusée de laxisme depuis deux ans sans preuve, bien au contraire. Les études s'accumulent pour prouver combien la surpopulation carcérale ne produit d'autre que de la récidive massive.
Christiane Taubira a eu aussi la mauvaise idée de supprimer l'une des pires et plus inefficaces mesures du sarkozysme sécuritaire, les fameuses peines planchers. Les députés de droite ont déroulé plus de 800 amendements.
Trop tôt, trop seul
Nicolas Sarkozy envisage de revenir plus tôt que prévu. Dès cet été, il prendrait bien la tête de l'UMP. Le triumvirat provisoire qui s'est mis en place à la présidence de l'ex-parti majoritaire pour succéder à un Jean-François Copé "démissionné" pour cause de scandale Bygmalion ne lui plaît que très modérément.
Copé aurait entrainé Sarko dans sa chute. Le Figaro s'inquiète: "La cote d'avenir de l'ex-président de la République s'effondre auprès des sympathisants UMP dans un sondage BVA pour L'Express-Orange et France Inter". Pourtant, le scandale Bygmalion n'est qu'une seconde affaire de fraude aux règles de financements des campagnes électorales pour l'équipe Sarkozy.
Rien que ça...
Mardi matin, un sondage de popularité osa placer Alain Juppé en tête et loin devant Nicolas Sarkozy. Il fallait réagir, avec cette nouvelle rumeur d'une prise de contrôle de l'UMP. "Il n’avait pas prévu de revenir tout de suite mais la donne a changé depuis quelque jours : le nouveau président de l’UMP sera élu au suffrage universel des adhérents lors d’un congrès cet automne" a confié un proche. Fichtre ! L'heure est grave et sérieuse ! Et le journaliste de multiplier les confidences forcément anonymes de "proches" de l'ancien monarque. A droite, on est courageux, mais pas trop. "Un chef présidentiable et une ligne : voilà ce dont ont besoin les militants. C’est comme ça dans la Ve République, surtout à droite". Ben voyons !
Ailleurs, les habituels thuriféraires de l'ancien monarque sortent à visage découvert. Nadine Morano s'indigne, faible porte-parole placardisée au Parlement européen après deux défaites électorales personnelles: "Je ne peux cautionner la sortie de crise qui s'est dessinée, tout simplement parce qu'elle n'est en rien conforme à nos statuts." La groupie a le "statut" sensible. En 2010, la désignation de Copé à la tête de l'UMP par le le Monarque élyséen ne l'avait pas choquée.  "Après la crise de l'élection interne de novembre 2012, nous nous sommes dotés de nouveaux statuts. J'observe que ceux qui les réclamaient avec vigueur les bafouent aujourd'hui. Je ne peux accepter cette situation qui nous met dans l'illégalité".  

Mercredi 4 juin, Brice Hortefeux sort encore davantage du bois. Il agit sur commande, et son propos est explicite: "Le retour de Nicolas Sarkozy, qui était une possibilité, devient une nécessité. Je souhaite donc qu'il soit candidat à la présidence de l'UMP à l'automne. Nous avons besoin d'un chef, d'un projet et d'un cap.." Le Figaro publie le même jour une interview d'un politologue par ailleurs habitué des couloirs de l'UMP version Sarkofrance: "En l'état actuel de son statut de leader naturel incontesté auprès de son socle électoral, son élection à la présidence de l'UMP serait une formalité."
On sourit.
Même Dominique de Villepin, l'ancien pire ennemi, réconcilié sur fond d'affairisme moyen-oriental avec quelques amis communs (Djourhi... ) se met à rêver du retour de Sarko pour réunifier la droite... 
François Fillon, l'un des trois de la Troïka, avait pourtant prévenu: pas question que le président de l'UMP, à l'issue du Congrès, soit également candidat aux primaires présidentielles. Cela ne serait pas "correct" ni impartial.
"Avec Sarko, ça va être un affrontement sanglant, et je ferai tout pour l'empêcher de prendre le parti. Car, s'il le prend, il réunira dans la seconde un congrès statutaire pour supprimer les primaires et imposer sa candidature en 2017." François Fillon, cité par le Canard Enchaîné du 4 juin 2014
Sarkozy, à l'UMP, a toujours autant d'ennemis.
Trop débile
Sarkozy est débile, au premier sens du terme, c'est-à-dire fragile. 
Sarkozy a d'autres démons. La Justice, celle des hommes, n'a pas fini d'enquêter. Paul Bismuth aka Nicolas Sarkozy avait deux téléphones et de nombreux comptes à régler.
La France, l'ancienne Sarkofrance, est accusée de corruption dans l'attribution de l'organisation de la Coupe du monde de football de 2022 au Qatar. La FIFA, qui avait diligenté une enquête, vient d'annoncer la clôture accélérée et prochaine de cette dernière par la chambre d'investigation de sa commission d'éthique. Mais voici qu'un quotidien britannique, le Daily Telegraph, accuse Michel Platini de corruption. Avec Nicolas Sarkozy au beau milieu de l'opération. Le journal évoque un dîner à l'Elysée, en novembre 2010, quelques jours avant le vote, avec le qatarien Mohamed Bin Hamad, exclu à vie de la FIFA pour conflit d'intérêt en 2011, Michel Platini et Nicolas Sarkozy. A charge, le Daily Telegraph publie aussi une salve de preuves détestables - promesses de contrat, cadeaux en quelques millions d'euros, etc. A tel point que l'Australie et les Etats-Unis, concurrents défaits à l'époque, réclament désormais un nouveau vote. Le Qatar se défend, Platini conteste. Sarkozy se tait. Il profite, avec une assiduité déconcertante, des invitations aux matches du PSG, propriété du ... Qatar.
Lundi, on apprenait que la Justice, encore elle, est allé perquisitionner le 21 mai dernier le cabinet d'avocats de Nicolas Sarkozy dans une autre affaire, les investigations en cours sur les soupçons de fraude fiscale par le couple Balkany. Les enquêteurs auraient identifié Isabelle Balkany comme ayant-droit d'une société qui est propriétaire d'une villa à Saint-Martin. Ils s'interrogent sur le rôle du cabinet d'avocats dont Sarkozy fut fondateur pour le "montage permettant la fraude fiscale présumée."
Sarkozy a d'autres affaires. Elle n'intéresse pas que les gazettes, mais la Justice, et, concernant l'électeur, l'éthique. Un retour serait une première dans l'histoire de la République. Les anciens chefs d'Etat, surtout accusés des pires maux, reviennent rarement sauf pour amuser la galerie et enrichir quelques libraires.
Ami sarkozyste, reviens.
On est encore là.