Si d'aventure, tu n'avais pas encore lu Silo, je te déconseille fortement de t'aventurer dans la chronique qui va suivre. D'habitude je rechigne à spoiler à tour de br... à coups de clavier enflammés... mais là, là... C'est comme qui dirait impossible de passer à côté de certains détails. Si en revanche tu as lu Silo, je me dis que tu ne liras pas non plus cette chronique pour la simple et bonne raison que tu te seras peut-être déjà précipité sur cette suite quelque peu particulière...
A la fin du premier tome, Hugh Howey avait laissé ce qu'il faut de zones d'ombre pour donner l'envie d'en savoir plus concernant le monde post-apocalyptique qu'il avait créé. On savait que la parution suivante devait en éclairer une partie en revenant sur les origines même du Silo quand la suite s'attacherait à lever le voile sur son avenir.
C'est donc avec une certaine avidité qu'on se lance dans la lecture du présent ouvrage. L'envie est là, bien là, de connaître les raisons ayant pu pousser une partie de l'humanité à provoquer volontairement un cataclysme impliquant – jusqu'à preuve du contraire - la mort de milliards d'individus ; de voir comment s'opérerait la jonction avec les événements relatés dans le premier tome ; d'appréhender l'envers d'un décor bien mystérieux, susceptible de le rester encore en partie, suffisamment en tout cas pour que l'avidité évoquée plus haut soit à nouveau de mise lors de la parution du troisième tome. Une avidité qu'on ne devra cependant pas tant au livre dans son ensemble, lequel offre un intérêt en dents de scie, qu'aux interrogations qu'il suscite en fin de lecture.
Silo Origines est composé de trois grandes parties s'articulant autour de deux fils narratifs distincts. Dans la première, on fait la connaissance d'un certain Donald à deux époques différentes. Avant le chaos d'abord, puis à l'occasion de son premier réveil - vive la cryogénisation !. Ancien député, il a participé activement à l'élaboration architecturale des silos sans rien savoir, au début tout du moins, de l'engrenage de folie dans lequel on l'embarquait malgré lui. Son implication dans le projet n'est en effet pas étrangère aux liens que sa famille entretient depuis longtemps avec le grand sénateur Thurman, un proche dont il s'avère devenir un pion incontournable dans le flou de ses plans courant... sur un très long terme. A Donald donc les interrogations multiples relatives aux choix effectués par son mentor, à son implication, à sa faculté de changer les choses, si tant est qu'il le désire ou en soit même capable.
En parallèle à ces réveils successifs apparaissant comme des balises à la pulsation des silos, à la fièvre qui les consume, on suit d'abord le parcours de Mission, un porteur dont le travail consiste à faire transiter des marchandises le long des étages de sa prison souterraine. Puis vient le tour de Jimmy, alias Solo, déjà aperçu dans le premier tome. Ces deux personnes ont pour point commun de vivre de très près les moments critiques du Silo où ils évoluent, d'en être les victimes d'une façon ou d'une autre.
Renouer avec l'univers créé par Hugh Howey s'est avéré captivant, surtout au début lorsqu'il s'est agi de toucher du doigt à une partie de ses origines. Ne nous y trompons pas, toutes les réponses ne sont pas encore là. Il demeure en effet une certaine opacité relative à l'Ordre, sorte de Bible du parfait survivant auxquels se réfèrent ceux qui sont dans le secret. Les choses, en tout cas, ne paraissent pas aussi simples telles que les rapporte le sénateur Thurman à Donald. On devine encore bien des révélations à venir.
Là où l'intérêt marque cependant le pas, c'est dans les péripéties relatives aux autres silos. Les soulèvements, les crises qu'ils traversent sont un tantinet trop longues. Il y a comme un air de déjà-vu et certains personnages, comme Mission par exemple, manquent d'épaisseur. Comme si leur seule existence n'avait qu'une vocation démonstrative. La mécanique très (trop ?) bien huilée des alternances de point de vue, contribue à donner un aspect artificiel à certains personnages ou événements.
Pas de quoi tirer sur l'ambulance pour autant. Dans la dernière partie, l'intérêt se réveille à nouveau, que ce soit dans l'évolution psychologique de Donald, ou bien encore dans l'évocation du personnage de Jimmy. Hugh Howey lève le voile sur certains mystères, en diffuse d'autres de manière très habile, au point, comme je le disais, de donner envie de connaître le fin mot de l'histoire. J'en serai.
Et toi ?
Silo origines, de Hugh Howey, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Laure Manceau, Actes Sud (exofictions), 2014, 576 p.