Alexander Byrd ne parvient plus à écrire depuis qu’il a été récompensé par le prix Pulitzer. L’écrivain Colum McCann l’incite à arpenter New York en s’inventant des histoires sur les inconnus qu’il croise et à les relier à un fait divers récent et troublant, une très vieille dame, non identifiée, qui a occis trois agresseurs avec un outil de jardin et l’aide d’un chat ! Sur les traces de celle que les médias surnomment Cat-Oldie, Alexander arpente les cimetières de la ville avec, dans sa capuche, Folksy, son matou. Finalement, sur la tombe d’Houdini il retrouve Cat-Oldie et il découvre qu’elle a connu l’illusionniste, comme elle a fréquenté des personnalités aussi diverses que Ian Fleming, Robert Capa ou John Steinbeck, au cours d’une vie si longue qu’elle pourrait bien être la doyenne de l’humanité et si mystérieuse que plusieurs services secrets n’ont eu de cesse tour à tour de l’employer et de la pourchasser…
Le bouquin débutait plutôt bien, une intrigue gagnant en étrangeté au fur et à mesure de la lecture et un écrivain, Ayerdhal, particulièrement habile dans son art. Le roman est très bien écrit, l’auteur possède un style certain et ne manque pas de vocabulaire confirmé par quelques mots rares ici et là, les non dits dissimulant même une vaste culture. Le lecteur s’amuse et se régale de l’astucieuse idée d’inclure dans les personnages du roman des écrivains célèbres comme Norman Spinrad, Paul Auster ou surtout Jérôme Charyn dans un rôle important, mais nous sommes à New York la ville de tous les possibles.
L’écriture est enlevée et les chapitres courts, on n’a guère le temps de s’ennuyer. Du moins au début car ça va se gâter, Ayerdhal tombant lui aussi dans le piège inextricable du roman trop long, une véritable maladie gangrénant la littérature. Au bout d’un moment, le lecteur passe en mode lecture automatique et le cerveau libéré du rythme de la narration, se met à réfléchir. Pour ce type d’ouvrage, c’est le début de la fin. L’intrigue devient alors de plus en plus nébuleuse et abracadabrante, énoncée avec d’insolentes précisions sensées clouer le bec à l’incrédibilité mais accentuant le malaise du lecteur renâclant à suivre l’auteur dans cette invraisemblable histoire mêlant le polar ou le roman d’espionnage à la SF. « - Oh, putain ! s’exclame Emilio. On dirait de la science-fiction, ton truc ! Tu peux pas être plus clair ? – Rien compris, l’appuie Asuncion. »
J’aurais accepté les invraisemblances déroulées sur trois cents pages, mais sur plus de cinq cents, on touche l’indigestion. Vraiment dommage car j’aimais bien l’idée de départ, dont je ne dirai rien pour ne pas gâcher le plaisir de ceux qui aimeront le livre, sinon qu’il y a un zeste de Catwoman (la BD) ou du film La Féline, de Jacques Tourneur (1942), mais nous sommes encore loin de tout le déballage/fatras contenu dans ce roman… J’ajouterai que j’ai aussi cru voir dans l’écriture et entre les lignes, un très vague cousinage avec Maurice G Dantec.
« Tu as involontairement ranimé un conflit né avant toi entre deux groupes qui cachent de nombreux cadavres dans leurs placards. A l’évidence la CIA et le KGB étaient impliqués, mais ils n’étaient pas les seuls ou ils ont fait des petits qui n’entendent pas rester sur un statu quo. Janet Bond est au cœur du conflit et tu es le plus court chemin qui mène à elle. Ils ont patienté plusieurs décennies, ils n’abandonneront pas de sitôt. Si tu as une information que nous ne possédons pas, c’est le moment d’en parler. Alexander dégage l’un des fauteuils, se laisse tomber dedans. – Le Serpent, ça vous dit quelque chose ? »