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Kafka : le nom est
magique. Transformer un des écrivains les plus importants du 20e
siècle en personnage de roman est cependant risqué. Michael Kumpfmüller avance avec prudence.
Le plus souvent, son personnage principal est appelé « le docteur »,
puis Franz quand sa relation amoureuse avec Dora, rencontrée en juillet 1923,
évolue vers une vie de couple – bientôt dévastée par la maladie. Son entourage
est présent dans le livre, avec la même discrétion. Il est question de son ami
Max : Max Brod, écrivain lui aussi, et exécuteur testamentaire de Kafka.
De M. et F. : Milena et Felice, les grandes figures féminines de sa vie,
avec ses sœurs. De ses parents…
Mais c’est Dora qui
illumine le roman, en même temps que la vie d’un homme dans ses derniers mois.
Il mourra, à côté d’elle, moins d’un an après leur rencontre, au sanatorium où
son souffle rare de tuberculeux s’éteint progressivement. Ils ont fait des
projets de mariage, auquel le père de Dora s’oppose car Franz ne lui semble pas
assez religieux pour entrer dans la famille. Ils ont connu ensemble les
derniers sursauts créatifs d’une écriture de plus en plus pénible. Kafka écrit Le terrier, dont Dora a l’impression,
sans tout à fait comprendre, qu’il recèle un sens caché la concernant.
De littérature, il est assez peu question entre
Franz et Dora. Mais la littérature, celle de Kafka bien sûr, traverse La splendeur de la vie, contamine un
style clinique grâce auquel on entre sans détours dans le quotidien du couple.
L’effrayante inflation en Allemagne, les difficultés à trouver les produits de
première nécessité. Et la faiblesse de Franz, les variations de température
d’un corps qui l’abandonne. C’est triste, digne, beau.