Le miroir aux alouettes

Publié le 04 juin 2014 par Lana

J’aurais dû être infirmière. Ou peut-être gynéco. Oui, ça m’aurait plus, ça, gynéco. Militante et féministe. Une sorte de Martin Winckler au féminin. Ou d’Addison Montgomery. Oui d’accord, peut-être en moins intelligente. Au moins j’aurais toujours eu du travail. Pas de problème de chômage. Mais ça, c’est si j’avais aimé les sciences, supporté de regarder les photos des livres de médecine et de toucher les gens. Parce que bon, quand on aime pas toucher les gens, ni même les approcher de trop près, médecin c’est pas vraiment possible. Moi j’aime juste les livres et parler littérature avec des gens que je ne dois pas toucher. Mais si je veux continuer à toucher des livres, il faudra peut-être bientôt que j’aille les empaqueter dans un entrepôt.

J’aurais pu continuer à être amie avec les gens que j’ai connu à l’école et à la fac. Ceux que je ne vois plus mais qui continuent à se voir, à poser pour des photos que tout le monde peut contempler sur facebook. Faire partie d’un groupe, avoir des amis de vingt ans. Mais bon, la vérité, c’est que la plupart, je ne les appréciais pas tant que ça, que les soirées avec eux, ça m’ennuyait. Au mieux. Au pire, ça m’angoissait. Et puis j’avais rien à leur dire, et je ne trouvais pas leurs conversations intéressantes, et je savais qu’ils me trouvaient bizarre. Je n’étais pas de leur monde. J’étais seule dans le mien.

J’aurais pu avoir des enfants. Ca me plairait d’avoir de grands enfants, quand je serai vieille. Le problème, c’est qu’avant, il faut les élever. Et répondre à tous leurs besoins de petits vampires affectifs. Et puis vivre avec un homme, en plus des enfants, alors que j’ai un besoin vital de solitude. Même mon chien, parfois, c’est trop pour moi. Alors, des enfants, ben je sais que ça me rendrait folle, littéralement.

Tout ça, ça aurait pu exister dans une autre vie. Dans celle-ci, c’est inenvisageable. Et même pas souhaitable. Une autre vie, oui, celle dans laquelle je n’aurais pas été schizophrène. Comme si je pouvais savoir ce qu’elle aurait été. J’aime bien ma vie, en réalité. C’est juste que, parfois, à voir le bonheur des autres, où plutôt son image, parce que je sais bien que tout ça n’est la plupart du temps qu’un miroir aux alouettes, mais pas tout le temps, non pas tout le temps, c’est dur de ne pas faire partie de tout ça.


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