Une famille lambda, où les grands-parents vivent chez leur fille mariée et maman de deux enfants. Le grand-père est un communiste de la première heure et la grand-mère une fervente croyante. Pour elle, son mari est un mécréant, un sale rouge. Pour lui, sa femme est une grenouille de bénitier. Ils ne s'épargnent aucune insulte, aucun coup vache, au grand dam de leur fille et de leur gendre. De retour de Lourdes, la mamy installe une vierge en plastique sur la télé. En réponse, le papy va accrocher juste derrière le portrait de Lénine. La coupe semble pleine, prête à déborder, et les menaces fusent : « Si vous saviez comme vous me fatiguez […] vous n'êtes que des vieux gâteux qui nous polluez la vie […] Si ça continue je vous fous en maison de vieux ». Et le jour où la vierge pleure sans raison des larmes de sang, tout le monde va basculer dans un tourbillon d'événements dont il sera difficile de se remettre.
J'ai reçu cet album regroupant en un seul les deux volumes du diptyque grâce à Lunch qui me l'a offert dans le cadre du loto BD et je me suis régalé. C'est Rabaté comme je l'aime, celui des petits ruisseaux ou des pieds dedans, parfaitement à l'aise pour croquer la France d'en bas, pour mettre en scène le quotidien d'anonymes dans des coins perdus de province. Ici c'est caricatural mais en même temps très réaliste. Caricatural parce que les portraits du représentant de la lutte des classes abonné à l'huma et de sa femme bigote sont tirés à l'extrême, comme celui du frangin bien beauf amateur de Ricard. Et très réaliste par ce que chaque séquence sonne vrai, des engueulades aux dîners de famille, des discussions de couple aux jeux d'enfants. C'est touchant aussi sur la fin et puis drôle souvent, très souvent même. Les dialogues sont ciselés, la répartie de chacun donnant du sel à l'ensemble.
J'ai par contre eu beaucoup de mal avec le dessin particulièrement naïf et les couleurs pas folichonnes du tout. Mais on s'y fait assez vite et une fois à l'aise pour reconnaître chaque protagoniste, on se laisse davantage porté par l'histoire que par le graphisme.
Au final, cette chronique familiale douce-amère est un régal de justesse et de drôlerie. Un bonbon sucré à déguster sans modération.
Merci Lunch, c'était un choix parfait pour moi !
La Marie en plastique (toute entière) de Prudhomme et Rabaté. Futuropolis, 2008. 118 pages. 20 euros.